Eté 65 à Berlin (Est)
Le 24 septembre 2010
Interdite en 1965, cette chronique de l’été (est-)berlinois se signale par un talent d’observation et une liberté de ton indémodables. Un joyaux méconnu de la Nouvelle Vague internationale.
- Réalisateur : Jürgen Böttcher
- Acteurs : Rolf Römer, Monika Hilderbrand, Paul Eichbaum
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Allemand
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– Durée : 1h34mn
– Année de production : 1965
– Sortie en Allemagne : 11 octobre 1990
Interdite en 1965, cette chronique de l’été (est-)berlinois se signale par un talent d’observation et une liberté de ton indémodables. Un joyaux méconnu de la Nouvelle Vague internationale.
L’argument : Al (Alfred) et Li (Lisa) sont mariés depuis deux ans et partagent un petit appartement à Prenzlauer Berg. Ils ne s’entendent plus très bien et ont engagé une procédure de divorce mais ne sont pas surs de vraiment vouloir se séparer. Al ne sait pas trop quoi faire de ses quelques jours de congé. Il traine dans la ville, retrouve un ancien flirt et retourne à son atelier de réparation automobile où le contremaître lui reproche de ne faire aucun effort pour sauver son couple. Le discours ne semble guère avoir de prise sur lui, pas plus que les observations de sa mère, de son grand-père ou de son voisin et ami Mogul un retraité adepte de la pêche à la ligne.
Notre avis : En décembre 1965, le plénum du Comité central du Parti Socialiste de RDA (SED), décidé à mettre un frein au vent de contestation qui souffle depuis quelque temps dans le monde des arts, prend fermement position contre les dissidents tels que le chanteur Wolf Biermann.
Le cinéma est également dans la ligne de mire et douze films sont interdits, qu’ils critiquent ouvertement certaines dérives de la société, comme Das Kaninchen bin ich du vétéran Kurt Maetzig, ou que simplement ils échappent, par leur liberté de ton, à toute volonté d’édification.
Car si certains d’entre eux restent conventionnels dans leur forme (tel le célèbre Spur der Steine de Frank Beyer, sorti en fait six mois plus tard et très vite interdit lui aussi), la plupart sont totalement en phase avec la modernité Nouvelle Vague qui a éclot un peu partout dans le monde au début des années 60.
De ce fort bel ensemble se détachent plus particulièrement deux chef-d’oeuvres qui allient précision de l’observation et légèreté de l’exécution : Berlin um die Ecke, de Gerhardt Klein, et Jahrgang 45 de Jürgen Böttcher. Tous deux ne seront terminés (mixage son) et ne sortiront qu’en 1990.
Böttcher, qui a aussi acquis une solide réputation de peintre sous le nom de Strawalde a réalisé de nombreux documentaires tels que Stars (1963), Rangierer (1984) ou encore Die Mauer (1990) qui font de lui un représentant éminent de ce genre aux côtés de Winfried et Barbara Junge, Volker Koepp et des autres talentueux documentaristes de RDA
L’acuité du regard documentaire est bien à l’oeuvre aussi dans Jahrgang 45 , son unique long métrage de fiction, qui nous donne l’impression d’être au plus près et au plus juste de la vie à Berlin Est durant l’été 1965.
Les jeunes gens que nous y voyons travailler (dans un garage, une maternité, des magasins de mode ou d’alimentation), se promener, aller au bal ou au café, discuter de tout et de rien, ne sont pas des personnages de fiction et leurs histoires sont à peine esquissées. Les gestes du quotidien (mettre un disque, prendre un reste de flan à la cuisine et le manger debout, s’assoir à côté d’une fille sur un banc public) sont filmés avec une belle égalité qui ignore superbement toute hiérarchie. Et c’est bien cette indifférence au sens qui a du irriter les censeurs.
La ville est bien plus qu’une toile de fond : un sens très sûr du cadrage et la superbe photo noir et blanc de Roland Gräf, qui capte admirablement la lumière estivale, savent rendre incroyablement présents à l’image le Gendarmenmarkt pas encore totalement reconstruit où des jeunes désoeuvrés regardent passer les cars de touristes, le quartier populaire de Prenzlauer Berg, ou encore une friche en périphérie où s’élèvent des barres d’immeubles.
Jahrgang 45, un des joyaux méconnus de la modernité cinématographique des années 60, est un prodigieux document, certes, mais c’est avant tout un film au charme fou et à l’inaltérable jeunesse.
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