La chanson de Sunny
Le 2 juin 2024
Le portrait émouvant d’une chanteuse de variété ratée dans la RDA des années 70, en Orwocolor !
- Réalisateur : Konrad Wolf
- Acteurs : Renate Krössner, Alexander Lang, Dieter Montag
- Genre : Comédie dramatique, Musical
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h42mn
- Date télé : 4 avril 2022 23:00
- Chaîne : Arte
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– Année de production : 1980
Résumé : RDA, fin des années 70. La chanteuse de variété Ingrid Sommer, alias Sonny, vit dans une arrière-cour de Prenzlauer Berg à Berlin, en bute à l’hostilité de ses voisins. Elle parcourt la province est-allemande lors de tournées minables avec le groupe "Die Tornados". Virée à la suite de conflits avec d’autres membres du groupe et éprouvée par l’échec d’une relation amoureuse elle retournera à l’usine pour quelque temps, résignée, avant de retenter l’expérience de la vie d’artiste en auditionnant pour un autre groupe, guère plus reluisant que le précédent, lors d’un happy end en demi-teinte.
Critique : Konrad Wolf, né en 1925, fut, avec Slatan Dudov, le grand cinéaste de RDA. Fils du dramaturge Friedrich Wolf, il passa son adolescence en URSS. Dans Ich war 19 - J’avais 17 ans (1968) il retracait son expérience de lieutenant de l’Armée rouge lors de l’avancée des troupes soviétiques en Allemagne en 1945.
Fort de son engagement inconditionnel pour le communisme et de sa position privilégiée dans le système, il n’a pas craint d’aborder de front, mais de manière nuancée, le problème de la Republik-Flucht, la fuite massive des citoyens de RDA vers l’Ouest, en adaptant dès 1964 le roman de Christa Wolf Der geteilte Himmel - Le ciel partagé. Dans Goya, en 1972, il traita des relations conflictuelles de l’artiste avec le pouvoir politique.
C’est donc une figure paradoxale de franc-tireur installé au cœur du système, certaines de ses œuvres obtenant les plus hautes distinctions officielles et représentant le pays à l’étranger, d’autres frôlant l’interdiction. C’était aussi un artiste préoccupé d’être en phase avec la modernité cinématographique de son temps.
Tourné sur plusieurs mois en 1978 et 1979, Solo Sunny est le dernier film de Konrad Wolf, qui mourra d’un cancer en 1982. C’est probablement celui où il aborde de la manière la plus frontale et sans la moindre tentative d’enjolivement la réalité quotidienne de la vie en RDA.
Pour cela il a fait appel à Wolfgang Kohlhaase, scénariste des attachantes chroniques berlinoises réalisées entre 1956 et 1965 par Gerhard Klein. Ces films se distinguaient par leur qualité d’observation débarrassée des visières idéologiques, ce qui valut au dernier, et meilleur de la série, Berlin um die Ecke, d’être interdit en 1965.
On retrouve cette qualité de regard dans Solo Sunny, dont Kohlhaase cosigne d’ailleurs la réalisation sur volonté expresse de Wolf, conscient de l’apport capital de son collaborateur à la réussite du film. Mais la vision de Wolf est plus tranchante, plus cruelle que celle de Klein et Kohlhaase.
L’actrice Renate Krößner porte le film de bout en bout sur ses épaules. Elle incarne de manière très convaincante une Sonny - Ingrid aux aspirations sans cesse déçues mais qui parvient cependant à retrouver l’énergie nécessaire pour repartir à la poursuite de ce que nous savons être des chimères.
C’est cette énergie et cette aspiration à réaliser ses rêves qui la mettent en porte à faux avec un environnement qui se complait dans le marasme et la médiocrité.
Le tableau que le film dresse de la RDA à la fin des années 70 est assez désespérant. Mais Wolf sait aussi, grâce au travail du chef opérateur Eberhard Geick et de la pellicule orwocolor aux étonnantes teintes pastel, révéler la beauté d’une arrière-cour du quartier de Prenzlauer Berg livrée à la décrépitude, ou s’abandonner à la contemplation des trains qui passent entre les immeubles. Le Berlin-Est que le film fait resurgir a le charme triste et suranné d’un univers où le temps semble s’être arrêté.
Il invite pourtant à secouer cette torpeur paralysante et veut croire encore à la possibilité de rendre le monde vivable et la vie digne d’être vécue.
– 1ère diffusion en France : avril 2022 sur Arte
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