Le 3 octobre 2021
Le « Grand Boum » a eu lieu ; le monde en est déstructuré. L’écriture est perdue. Pourtant, Enig raconte son histoire, en phonétique, ici en « parlénigm ». Russell Hoban invente une langue dans ce roman, celle du langage qui cherche ses nouvelles fondations. Un exploit pour le traducteur, qui offre enfin au public francophone ce récit initiatique tout à fait original.
- Reprise: 16 septembre 2021
- Auteur : Russell Hoban
- Collection : Grands animaux
- Editeur : Monsieur Toussaint Louverture
- Genre : Science-fiction
- Nationalité : Anglaise
- Traducteur : Nicolas Richard
- Titre original : Riddley Walker
- Date de sortie : 1er septembre 1980
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
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Résumé : Après la mort de son père, Enig décide de raconter sa marche. Dans un monde post-apocalyptique où la civilisation (tout comme l’orthographe !) semble avoir disparu pour laisser place à la peur et à la violence, il marche sur les traces des hommes responsables de ce « sale temps ». A 12 ans, il part à la poursuite de la Vérité.
Critique : L’œuvre est unique en son genre, tellement elle déstructure l’orthographe, la grammaire, le langage en somme. Pour entamer la lecture de ce livre, il faut s’y prendre à haute voix, en prononçant les mots comme si les oreilles étaient davantage vecteurs que les yeux.
« Cest une sort de chose cest pas nous pour tant cest en nous »
Lorma, p20, éditions Monsieur Toussaint Louverture
Afin que la chimie s’opère dans le cerveau, il faut s’attacher à Enig, ce jeune garçon qui part chercher le sens de l’existence, celle où la connaissance a laissé la place aux peurs et à la superstition, où la société s’organise par clans, où le progrès n’existe plus. Qu’est donc ce monde dans lequel il doit grandir ? La réponse se trouve-t-elle vraiment dans les spectacles de marionnettes au cours de son voyage ?
Lorsqu’Enig écrit, il laisse une trace et tente donc peu à peu de structurer la langue. Sa compréhension est lente, comme celle du lecteur, parce qu’il faut apprivoiser l’écriture, tout en parcourant ce carnet de bord. Le livre a été publié en anglais en 1980 et traduit en français seulement en 2012. Dans cette nouvelle édition, Monsieur Toussaint Louverture, qui habitue le lecteur à son travail soigné, habille la couverture sombre d’or, comme pour laisser entrevoir la lumière perceptible dans les ténèbres. Le travail de traduction est remarquable, car Nicolas Richard parvient à adapter les bribes du « riddleyspeak » en un « parlénigm » spectaculaire.
L’autre aspect remarquable de cet ouvrage concerne sa dimension métaphysique. Lorsqu’Enig part à la recherche de la « Vrérité », les Hommes, ceux qui restent, sont à l’Age de fer. Enig, 12 ans, a froid, a peur, fait des prières dans l’obscurité. Les ennemis des Hommes sont les chiens aux yeux jaunes, qui mangent les humains comme eux mangent les chiens. Dans cette Angleterre née d’une catastrophe nucléaire, l’issue est pessimiste. Pourtant Enig marche, agit et contemple comme un enfant, tout en se montrant brave comme un adulte.
Entamer ce livre est une épreuve, dont on ressort esseulé, désorienté, mais que l’on appréhende de mieux en mieux. Sa lecture demande une adaptation, un lâcher-prise qui ne va pas de soi. Cependant, peu importe le temps qu’il faudra, car le livre est réellement une invitation à la lenteur, à la réflexion, à l’émotion. L’auteur lui-même a mis plus de cinq ans à terminer son roman. De l’audace, de l’inventivité et de l’exigence, voilà ce qui caractérise cet ouvrage. Une bonne raison pour s’attaquer à cette prouesse littéraire, avec la candeur et l’humilité de son personnage.
352 pages
9,50€
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