Enemy & lovers

Encore inconnu du grand public, Scratch Massive n’en demeure pas moins une référence dans le monde des nuits électro parisiennes. Non contents d’occuper régulièrement les platines du mythique Pulp depuis déjà trois ans et d’alimenter les dancefloors les plus pointus d’une poignée de maxis enregistrés pour le compte du label Chateaurouge, Maud Geffray et Sébastien Chenut ont pris leur temps pour enregistrer un album qu’ils ont voulu plus ouvert musicalement. Les deux jeunes gens ont ainsi profité de rencontres aussi décisives que variées pour mêler les réminiscences eighties de leur électro à d’autres saveurs. Car si Scratch Massive avoue dans le titre de l’album n’avoir qu’un seul Enemy, le duo est entouré d’une foule de Lovers. Après les rencontres décisives avec Melvil Poupaud, FFF ou Camille Bazbaz, qui participent tous de près ou de loin à l’élaboration du disque, ce sont Frank Arbaretaz et Camille Dalmais qui se joignent au duo pour prêter leurs sons et leurs voix à deux morceaux. Et, cerise sur le cake, c’est l’inspiré Cristian Vogel, moitié du duo électro déjanté Super_Collider, qui co-produit le disque.

Et cet Enemy, me direz-vous ? Le temps, qui en matière de musiques électroniques, est compté. Car l’implacable amateur de sons nouveaux n’a cure d’un disque qui ne respire pas "le moment". Et celui-ci, en chantier depuis deux ans, a mis du temps à sortir, laissant à d’autres le privilège d’apparaître comme précurseurs (le séminal album éponyme de Playgroup, par exemple, sorti en 2001). Du coup, Enemy & Lovers semble arriver un peu après la bataille. Mais ne vous méprenez pas : le disque est profondément actuel et recèle quelques perles dansantes aux beats ravageurs (Make It High, Why, Seeing Is Believing et son irrésistible riff de guptare). Il devient même passionnant sur la fin, lorsque le duo s’affranchit de ses obligations dancefloor pour enchaîner trois chansons magnifiquement apaisées (What Have You Done Tonight, Ma Belle Evanouie et It’s A Long Story), portées par la voix nuancée de Camille Bazbaz.

Alors c’est vrai que si Enemy & Lovers était sorti il y a quelques mois, il aurait sans doute impressionné. Au lieu de cela, et même si on peut craindre pour sa durée de vie sur les platines, le disque apparaît comme prometteur d’une suite que l’on aimerait rapide. Mais n’est-ce pas là finalement le propre d’un premier album réussi, que de donner envie à l’auditeur de découvrir au plus vite la suite de l’aventure ?