Le 20 août 2003
Classiques et chefs-d’œuvre en public, lors de la tournée marathon de 1993.
La tournée marathon de 1993 a mené Leonard Cohen et ses musiciens aux quatre coins du monde. Lorsque le Live sort, quelques mois plus tard, le chanteur s’est retiré dans un monastère bouddhiste, où il reste cinq ans. Certaines de ses plus belles chansons, en public, comme un souvenir qu’on laisse avant de partir, en le souhaitant inoubliable.
Lorsqu’une voix vieillit, elle peut prendre le ton des rides comme celui de la beauté ombrageuse qui avec l’âge se sublime. Celle de Leonard Cohen est comme cela. Entre son premier album en 1967 Songs of L. Cohen et la tournée mondiale de 1993 qui a donné naissance à ce Live, la voix a évolué, mûri, mais en aucun cas elle n’a perdu de sa force. Rocailleuse et douce, elle a trouvé des couleurs plus sensuelles, plus attachantes, et ce concert est là pour le prouver, en treize titres interprétés par des musiciens qui suivent une ligne quasi parfaite.
Des classiques, des classiques et des chefs-d’œuvre. Voilà le programme proposé par ce disque, véritable référence sonore dont la perfection ravit l’oreille. Envolées de violons majestueuses, orgue tamisé, guitares qui oscillent entre de longs râles et des riffs presque funky... L’harmonie de l’ensemble est à couper le souffle. Le voyage commence lentement, Dance Me To The End Of Love ne peut pas mieux porter son nom, l’accord des voix de la choriste et du maestro est impressionnant. Suit le formidablement lent Bird On Wire sur lequel Cohen confirme qu’il n’a rien perdu de son charme vocal. Everybody Knows met la machine en route, les chœurs sont admirables et There’s A War déclenche l’attaque. "There is a war between the rich an poor, a war between the men and the women... there is a war between the ones who say there is a war and the ones who say there isn’t..."
Et comme si la flamme devait perdre de sa puissance démonstrative pour mieux brûler, Sisters Of Mercy, issu du premier album de 1967, redonne un calme apparent au fond duquel quelque chose est prêt à exploser à tout moment. C’est dans Hallelujah, plus rapide et étoffé que dans la version studio originale, que la force des voix entraîne vers un ailleurs, un univers que seule la musique permet d’atteindre.
Avec I’m Your Man, Leonard s’amuse. "If you want a father for your child, If you want a jewish doctor... I’m your man..." Ovation du public. L’artiste est salué, sa présence est mystique, son pessimisme rocailleux plaqué sur la beauté des chœurs aériens est tout simplement envoûtant. Who buy fire, c’est un poème sur la vie et le désespoir. One Of Us Can’t Be Wrong, un hymne à l’enseignement spirituel. Avec Heart With No Companion, ce sont les influences country qui éclatent : harmonica, violon endiablé sur un rythme entraînant.
Mais le maître ne pouvait conclure sans interpréter l’incontournable et nostalgique ballade Suzanne. C’est une version épurée, sobre, toujours avec cette guitare grave et serrée, prisonnière de la voix qu’elle semble incapable de surpasser. Un au revoir vibrant. Monsieur Cohen est bien vivant.
Leonard Cohen - Live (Sony/Columbia)
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