Le 5 février 2021
Une chasse à l’homme pour retrouver l’écrivain fictif le plus célèbre de la Nouvelle Vague, qui doit son nom à un mystérieux auteur roumain que, paradoxalement, personne ne connaît vraiment. Un récit passionnant.
- Auteur : Christophe Bourseiller
- Collection : Vermillon
- Editeur : Editions de la Table Ronde
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 4 février 2021
L'a lu
Veut le lire
Résumé : Qui était Jean Parvulesco (1929-2010) ? De ce mystérieux écrivain d’origine roumaine, auteur de plus de cinquante livres, on ne sait presque rien. Les cinéphiles se souviennent que, dans À bout de souffle de Jean-Luc Godard, il est incarné l’espace d’une scène par Jean-Pierre Melville. Chapeau, lunettes noires, il descend d’un avion. Sur le tarmac, il est assailli par les journalistes. À la question de savoir quelle est sa plus grande ambition dans la vie, il répond : « Devenir immortel, et mourir. » Christophe Bourseiller a bien connu Godard, pour lequel il a tourné plusieurs fois quand il était enfant. Des années plus tard, il a rencontré Parvulesco. L’énigme est restée entière. Il a relu son œuvre fantôme, mené l’enquête sur ce personnage de l’ombre qui fut tour à tour un passager clandestin de la Nouvelle Vague et l’ami intime d’Éric Rohmer, un dandy fascisant et un poète ésotérique. L’inclassable Parvulesco est mort depuis dix ans. Son immortalité commencerait-elle maintenant ?
Critique : " Quelle est votre plus grande ambition dans la vie ?
– Devenir immortel et puis mourir !"
Si cette séquence du film A bout de souffle, devenue culte, est forcément ancrée dans la mémoire de tous les cinéphiles, elle n’en reste pas moins énigmatique.
En effet, à ce moment du long métrage, Jean Parvulesco, joué ici par Melville, descend d’un avion et se retrouve assailli par la presse qui lui pose bon nombre de questions auxquelles il ne répond pas.
Seule la jeune Patricia Franchini, incarnée par Jean Seberg, parviendra à lui faire dire quelques mots lorsqu’elle lui demandera : "Quelle est votre plus grande ambition dans la vie ?".
De prime abord, cette scène n’a pourtant rien de remarquable dans le film, si ce n’est la beauté poétique de la réponse de l’écrivain. Pourtant, en y regardant de plus près, elle cristallise en réalité la naissance d’une figure presque mythique : celle de Jean Parvulesco.
A travers son ouvrage, Christophe Bourseiller se lance ainsi dans une sorte de chasse à l’homme, afin de comprendre l’aura qui, des années après, entoure toujours le mystérieux artiste. Si cette question l’interroge à ce point, c’est parce que l’auteur lui-même a eu le sentiment d’être emprisonné dans un personnage de fiction, à cause de Jean-Luc Godard. En effet, dans son enfance, le jeune Christophe Bourseiller est apparu de nombreuses fois dans les films du réalisateur, sans pour autant être crédité au générique, se sentant prisonnier de ces films, comme s’il n’était plus un individu à part entière, mais une simple création.
Or, cette crise de la personnification, on la retrouve aussi chez Jean Parvulesco qui, grâce ou à cause du film de Jean-Luc Godard, est bien présent dans l’imaginaire cinéphile, alors même que peu de gens savent qu’il a véritablement existé. Avec ce roman biographique, l’auteur tente ainsi de faire revivre l’écrivain pour ce qu’il est et non plus pour le personnage à qui il prête son nom.
Bourseiller retrouvera ainsi la trace de son homologue roumain, notamment en Espagne où ce dernier écrivait dans une revue sur le septième art, dans laquelle il aimait dire que le cinéma de la Nouvelle vague était foncièrement fasciste, de même que ses réalisateurs vedettes comme Godard, Truffaut ou Rohmer. Peu de temps après, on le retrouvera silhouette dans plusieurs films, notamment chez le metteur en scène de Ma nuit chez Maud, ou simplement présent sur les tournages pour jouer le pique-assiette. S’il est partout, personne ne sait vraiment de quoi il vit, ni ce qu’il fait vraiment, créant une sorte de légende qui feront dire à certains qu’il était en réalité un espion.
Dans sa démarche proche d’une enquête, En cherchant Parvulesco n’est pas sans rappeler un autre ouvrage sorti en 2017, aux éditions Gallimard, Un certain M. Piekielny de François-Henri Désérable qui, lui aussi, part sur les traces d’un homme, à la lisière entre fiction et réalité. En effet, comme Parvulesco, Piekielny doit sa renommée à un autre, en l’occurrence Romain Gary qui, lors de ses interviews, ne cessait d’évoquer cet homme mystérieux. L’un et l’autre plongent engendrent une forme de course-poursuite passionnante.
Bourseiller finira malgré tout par retrouver sa trace et en fera l’un des invités de l’émission Ce soir ou jamais, présentée par Frédéric Taddeï, pour lequel il a été conseiller éditorial. Or, une fois de plus, l’écrivain ne laissera personne pénétrer ses secrets, puisqu’il restera mutique tout au long de l’émission.
On pourrait presque croire que le Parvulesco réel donne raison à son double de fiction puisque, grâce à Godard, son nom restera à jamais immortalisé dans A bout de souffle et bien que personne ne connaisse réellement le véritable auteur, personne ne pourra jamais oublier la créature fictionnelle rendue célèbre par le cinéaste.
Christophe Bourseiller livre ici un récit passionnant, dans lequel le lecteur entre avec beaucoup de facilité, tant l’histoire racontée est intrigante et permet également de s’immerger à nouveau dans la période de la Nouvelle Vague. Cet ouvrage permet également à l’auteur d’évoquer le rôle que le metteur en scène de Pierrot le Fou a joué dans sa vie, pour montrer que lui aussi aurait pu finir comme Parvulesco : un simple personnage. Ainsi, le témoignage livré est précieux et émouvant. Il permet une nouvelle fois de mettre en perspective le génie godardien.
128 pages
14 euros
115 x 180 cm
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.