Y a d’la joie
Le 12 février 2008
Singulier et précieux, le nouveau Pedro Costa bouleverse âprement nos repères.
- Réalisateur : Pedro Costa
- Acteurs : Maria do Ceu Barbosa, Mario Ventura Medina
- Nationalité : Portugais
- Date de sortie : 13 février 2008
- Festival : Festival de Cannes 2006, Sélection officielle Cannes 2006
– Durée : 2h35mn
– Titre original : Juventude em marcha
Singulier et précieux, le nouveau Pedro Costa bouleverse âprement nos repères.
L’argument : Délaissé par son épouse Clotilde, Ventura, ouvrier cap-verdien de la banlieue de Lisbonne, est perdu entre l’ancien quartier délabré où il a vécu jusqu’à présent et son nouveau logement dans un bloc HLM tout juste achevé.
Notre avis : Le titre de ce film dont la durée impressionne (presque 2h40) est trompeur : ce n’est pas un hymne à la joie, c’est un requiem lancinant qui fredonne le même ennui existentiel, la peur de l’écroulement des valeurs, l’engouffrement de la modernité, la perte de soi-même dans un univers en pleine révolution, sans horizon, ni ligne de fuite. Le personnage principal, maçon à la retraite, souvent mutique et observateur, sorte de démiurge angélique perdu dans des faubourgs déshumanisées de Lisbonne taillées à même les enfers, erre, musarde, s’ennuie... comme le spectateur dans un film méandreux. Il croise différents personnages déchus comme Wanda, l’une des héroïnes désormais récurrentes de l’univers du cinéaste Pedro Costa.
Doigt d’honneur à la facilité et au cinéma comme art consommable, Pedro Costa choisit ouvertement l’anicroche. Le spectacle est fascinant, irritant à force de jusqu’au-boutisme fièrement arboré. A défaut d’être à l’écran, il risque d’être dans la salle : En avant, jeunesse ! s’autorise des audaces qu’on ne se permet plus aujourd’hui : des plans-séquences où des personnages malades transmettent leur mal-être et leur tristesse indicibles au spectateur-témoin. Tout a été sciemment étudié pour rebuter le spectateur lambda jusque dans la composition des plans qui joue sur la frustration ou l’absence de pistes explicatives qui n’apparaissent que si le spectateur fait un lourd travail intérieur (recoller les morceaux de la narration et les brèches affectives du personnage principal).
On possède une grande liberté face à ce qu’on regarde : ceux qui veulent s’en aller peuvent s’en aller. D’autres, attirés par une lumière faible mais incandescente, restent, s’accrochent, endurent, oublient et résistent. Le film, suspendu dans le temps (la preuve avec sa durée), oscille entre différentes zones, questionne la spiritualité, joue beaucoup avec le hors champ, la répétition et étire les scènes pour laisser les personnage se reconstruire et peut-être se retrouver. Ça prend beaucoup de temps. Objet âpre écrasé par la lourdeur théorique et la solennité, En avant, jeunesse ! n’est pas un film ; c’est une expérience, pas très ouverte ni accueillante, originale et radicale, qui teste nos résistances jusqu’à l’épuisement. Que ceux qui l’aiment, le suivent.
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Norman06 29 avril 2009
En avant, jeunesse !
Insoutenable. Ce pensum est l’un des films les plus soporifiques du 7e art. Pourtant, ce récit d’une désillusion semblait prometteur sur le papier. Les quelques spectateurs qui ne sortiront pas de la salle avant la fin de la projection pourront s’applaudir eux-mêmes. On aime le cinéma d’auteur, mais il est regrettable que ces plans séquences hermétiques et stériles découragent toute bonne volonté.