Ne change rien - La critique

Laissez-vous envoûter par les clairs-obscurs de Pedro Costa et la sensualité de Jeanne Balibar.

L’argument : Ne change rien est né d’une amitié entre l’actrice Jeanne Balibar, l’ingénieur du son Philippe Morel et Pedro Costa. Jeanne Balibar, chanteuse, des répétitions aux enregistrements, des concerts rock aux cours de chant lyrique, d’un grenier à Sainte-Marie-aux-Mines à la scène d’un café de Tokyo, de Johnny Guitar à la Périchole d’Offenbach.

Notre avis : Ne change rien est le nom d’une chanson de Jeanne Balibar. La chanteuse est de tous les plans du nouveau film de Pedro Costa, le réalisateur d’Ossos, Où git votre sourire enfoui ? ou encore En avant jeunesse !. Sous l’impulsion de l’ingénieur du son Philippe Morel qui collaborait avec Costa et Balibar, le cinéaste s’est penché sur le travail de la chanteuse et s’est lancé dans ce projet de film sur la musique. Ce long-métrage suit ainsi les avancées du travail technique et vocal de Jeanne Balibar, en studio, accompagnée de Rodolphe Burger, arrangeur et guitariste. Ne change rien n’a rien d’un film promotionnel, il propose une vision d’un travail de groupe, une communion d’une équipe autour d’un projet. La musique guide réellement le film et en cela, Pedro Costa s’éloigne d’œuvres comme One+One de Jean-Luc Godard dans lequel le cinéaste d’A bout de souffle s’intéresse autant à la création du groupe qu’à la personnalité de Mike Jagger et au contexte social de la fin des années 60.

© Shellac

Jeanne s’exerce, chante, répète encore et encore. Ses chansons parlent d’amour. La musicienne devient tout à coup l’héroïne d’une magnifique aventure, tourmentée par des sentiments intenses. Le noir et blanc savamment travaillé de Pedro Costa participe à cette plongée dans l’univers de la fiction. Il ne s’agit pas de fiction en opposition au réel, mais de fiction dans la création d’un autre univers, tout en gardant la formidable matière première du corps et de la personnalité de Jeanne Balibar. Cette femme devient une actrice incarnant toutes les femmes aimées et amoureuses. Sa voix résonne à travers le studio de répétition, traverse l’écran pour envahir ceux qui la regardent et l’écoutent. L’émotion est là, vibrante. La chanteuse se donne corps et âme aux mots et aux sentiments, magnifiée par de riches contrastes lumineux.

© Shellac

Ne change rien est un film hors du commun, une œuvre génériquement indéterminée, entre documentaire et fiction. Certainement un essai. Une poésie visuelle, une douceur auditive, une réelle sensibilité artistique. S’assoir pour prendre le temps de découvrir ce long-métrage singulièrement authentique, c’est accepter de se plonger dans le monde de Jeanne, Rodolphe, Pedro, Philippe. Mais aussi dans l’univers des amoureux de la musique. Et des amoureux tout court. Evidemment, la longueur des séquences essentiellement en plans séquences peut être effrayante, mais cette temporalité étirée permet d’apprécier à sa juste valeur le travail des musiciens, de se laisser envouter par leur ardeur et leur passion musicale. Prenez le temps !

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