Godard is Stone
Le 13 septembre 2022
Film prémonitoire qui donne la parole aux Stones et à des militants poétiques. One + One = chef-d’œuvre
- Réalisateur : Jean-Luc Godard
- Acteurs : The Rolling Stones, Anne Wiazemsky
- Genre : Documentaire, Musical, Expérimental
- Distributeur : Images Distribution
- Durée : 1h44mn
- Reprise: 3 mai 2006
- Date de sortie : 7 mai 1969
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Résumé : Jean-Luc Godard filme des scènes de contestation politique avec des membres des Black Panthers, montées en parallèle avec des séances d’enregistrement des Rolling Stones.
Critique : À ma droite, Godard. Inutile de présenter ce génie du verbe, du montage et de la mauvaise foi. Avec ses potes des Cahiers du cinéma (Truffaut en tête), il a revus les recettes du cinéma français pour dresser une table festive : la Nouvelle Vague. À ma gauche, les Rolling Stones. Groupe excentrique, créateur d’un blues british immensément connu et sexuellement attirant (Mick Jagger et ses lèvres sensuelles). En plein milieu, un film choral où se mêlent anarchistes, cinéphiles, dandy littéraire, producteurs, cinéaste, membres du Black Panther et une jeune idéaliste, Eve Democracy. Le résultat engendrera une chanson prémonitoire, chaotique et superbe : Sympathy for the Devil.
Godard se lance dans cette aventure musicale dans l’espoir de filmer la création artistique en mouvement. Les Beatles ayant refusé, l’auteur de Pierrot le fou se rabat sur les fameuses "pierres qui roulent". Captant au plus près leurs doutes (Jagger tournant en rond à la recherche de la note qui tue), les improvisations et la solitude (Brian Jones en ermite des studios et complètement défoncé), Godard en profite pour y insérer en parallèle des blocs séquentiels politisés, prétexte à illustrer les grandes tendances de cette époque rebelle (l’avènement des Black Panthers, la société de consommation dévorant tout sur son passage, le totalitarisme qui dénigre certaines communautés). Quarante ans plus tard, son travail sur One + One continue de fasciner. On (re)découvre les dernières apparitions de Brian Jones qui sera bientôt évincé du groupe, le tandem génial Jagger/Richards en pleine mutation créatrice et surtout les témoignages godardiens d’une société en pleine révolution (pop art, cinéma politique, révolutions culturelles).
Dépassant le cadre du documentaire musical, Godard morcelle son film d’interrogations pertinentes dont les thèmes de prédilection s’éparpillent sur une pellicule tout droit sortie des feux de Mai 68. Évitant de filmer un discours et préférant le jeu fantaisiste des questions/réponses, Godard donne la parole à ceux qui veulent bien la prendre : des membres des Black Panthers lisant des textes de Leroy Jones ou d’Eldridge Cleaver ; une jeune idéaliste au doux nom d’Eve Democracy se baladant dans une nature lumineuse et interviewée par une équipe de télévision ; un libraire glorifiant Mein Kampf et une voix off récitant des pages entières d’un roman politique mettant en scène des personnages influents du XXe siècle (Brejnev, Kennedy...).
Godard commente une période mouvementée qu’il a vécue en tant que spectateur. Filmant un ras-le-bol quotidien (le racisme, la liberté de penser, la jouissance créatrice), il se balade parmi ces gens du voyage captant ici et là des bouts de vie, des phrases assassines et des envolées révolutionnaires. L’itinéraire de cet enfant terrible prend fin avec une image nette, concise et mystérieuse : une jeune femme mourante, sur la grue d’un travelling, entourée de deux drapeaux noir et rouge et s’envolant dans les airs. Mort du cinéma, de la conscience ou de la liberté ? Aucune piste, juste une image... c’est l’essentiel !
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