Le 5 janvier 2020
Comment trouver sa place dans une nation qui a cherché à étouffer sa propre culture ? A travers un témoignage poétique, Joy Harjo écrit son parcours d’enfant, d’artiste, de femme amérindienne. Un récit qui transporte, envoûte et libère l’esprit.
- Auteur : Joy Harjo
- Editeur : Éditions Globe
- Genre : Autobiographie
- Nationalité : Américaine
- Date de sortie : 22 janvier 2020
- Plus d'informations : Editions Globe
Résumé : Poétesse et musicienne accomplie, Joy Harjo raconte son histoire et à travers elle, celle de l’Amérique.
Notre avis : Aujourd’hui « Poète américaine de l’année » 2019-2021, Joy Harjo est la première artiste amérindienne à recevoir cette distinction. Artiste multiple dans la musique, le théâtre, la poésie et l’écriture, elle exprime sa créativité dans la culture qui l’a façonnée. Crazy Brave, récit autobiographique, raconte ce parcours, tantôt sombre, tantôt mélancolique, souvent combatif. Le titre traduit son nom indien Creek et raconte à lui seul son identité.
L’histoire américaine de Joy Harjo est loin d’être linéaire. Il commence à l’est et se poursuivra au sud. A l’est, se trouve l’Oklahoma, proche de la nation creek, la terre où elle est née, état raciste envers les Amérindiens. Son père était un Creek vivant des redevances du pétrole. Sa mère, cherokee, est donc elle aussi issue d’un peuple autochtone de l’est, qui se mariera plus tard à un beau-père blanc tyrannique. Joy, petite fille curieuse, observe la lumière, se raconte l’histoire de la nature, grandit bercée dans la musique. Elle regarde sa mère subir la mauvaise humeur alcoolisée de son père, jusqu’au jour où celle-ci se décide à partir, laissant la figure paternelle dans le monde affectif de l’enfance.
Au nord, elle vit dans la peur au quotidien, enfermée par les règles strictes de son nouveau foyer. La musique s’éloigne, mais sa soif de liberté se développe. Le désespoir l’approche, mais ne l’envahit pas : le chemin de la liberté s’impose comme une nouvelle voie. A l’ouest, dans une école indienne, ces écoles regroupant les populations autochtones afin de sceller une culture commune, elle s’adonne à la peinture, à la musique. Elle rencontrera le père de son enfant, faisant dès lors le choix d’une nouvelle vie. Au sud, la poésie saisit Joy Harjo. L’auteur décrit cette rencontre comme une apparition mystique : « L’esprit de la poésie m’avait cherchée, et trouvée, j’étais là au seuil de la panique et de l’amour ».
Dans tout le récit, les esprits se manifestent, les ancêtres font leur apparition et les temporalités s’entremêlent parfois. La question raciale est présente : à travers le cloisonnement de la société, l’alcoolisme qui touche fortement les populations indiennes, l’école indienne et les cultures communes. Elle subit aussi la violence, constante, celle engendrée par la souffrance des génocides. Celle-ci se transmet au travers des êtres, par l’indifférence, la dureté, le mépris, la soumission et parfois les coups. La violence s’inscrit aussi dans la pauvreté : celle qui touche les mères célibataires, les jeunes hommes devant subvenir aux besoins de la famille ou celle qui touche la vieillesse. Enfin, c’est la violence des sentiments d’une jeune fille, qui peut être aveuglée par l’amour qu’elle éprouve ou s’accomplir dans la maternité.
A travers ce parcours, il s’agit bien de montrer l’histoire de l’acculturation forcée des peuples indiens par les Européens devenus entretemps américains, mais aussi la résurgence, voire la mythification de la culture de ses origines. Joy Harjo témoigne de son histoire à sa manière, c’est-à-dire en laissant la part belle à ses croyances, ses repères et ses espoirs. Sans jamais s’écrire en victime, elle compose une ode à la liberté : celle d’une femme issue d’un peuple opprimé, celle d’une femme courageuse, qui refuse de se définir et, au contraire, veut toujours exposer sa créativité et transmettre à travers les arts.
Lors de sa nomination en tant que National Poet Laureate 2019 , Joy Harjo témoignait que « les mots ont le pouvoir de changer les choses ». Ici, les siens nous emmènent aux côtés d’une femme amérindienne, forte, ouverte à la magie du monde.
Rencontre avec Joy Harjo le 9 janvier 202 à 19h, à la librairie Millepages à Paris
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Kirzy 14 février 2021
Crazy Brave - la critique du livre
Le parcours de Joy Harjo force l’admiration et l’empathie. Cette artiste, née en 1951, a été choisie comme poète lauréat des Etats-Unis pour la période 2019-2021, titre honorifique qu’elle est la première amérindienne à recevoir. Dans ce récit autobiographique, elle raconte ses années, difficiles, d’apprentissage, avant de devenir l’artiste reconnue qu’elle est aujourd’hui, avant de parvenir à trouver sa voie, sa voix grâce aux études et à sa force de caractère.
On retrouve l’éventail tristement habituel des drames qui touchent la communauté amérindienne : alcoolisme, pauvreté, grossesses précoces, violences conjugales, Joy Harjo a eu beaucoup à surmonter dans son enfance, adolescence et années de jeunes adultes. Thématiques qui me touchent énormément ... mais dans ce récit, je n’ai pas accroché au style d’écriture proposé, la plupart du temps très factuel, sujet-verbe-complément... je ne les aies pas trouvés très inspirés, un style plat qui raconte des événements intimes qui eux ont énormément de relief. Du coup, je n’ai que peu vibrée et me suis sentie à distance.
Là où les pages se « réveillent », c’est lors des passages mystiques où Joy Harjo décrit les liens qui la rattache à ses ancêtres, leurs esprits flottant au-dessus d’elle pour l’envelopper, la guider et l’accompagner, très belle idée. Cette connexion spirituelle est présente aussi dans les poèmes et écrits qui parsèment les chapitres, chacun portant le nom d’un des quatre points cardinaux, chacun portant un sens fort dans la culture amérindienne.
Au final, je suis un peu frustrée par le manque de puissance de Crazy Brave, peut-être trop court également pour parvenir à déployer suffisamment la force de son discours. Mais je suis ravie d’avoir fait la connaissance de la femme et l’artiste qu’est Joy Harjo.