La pingrerie est un vilain défaut qui peut mener aux pires excès. Catherine Cusset en sait quelque chose, grippe-sou de naissance dont la mesquinerie avoisine le sordide et dont les tentatives de forcer sa nature aboutissent aux bides les plus retentissants. Notre harpagonne fait feu de tout bois, thésauriser est son instinct, investir son credo, exploiter les autres son fonds de commerce, même une chambre d’hôtel de luxe doit être rentabilisée... par une nuit d’amour torride ! Pire, sa fâcheuse tendance à la parcimonie l’amène dès l’âge tendre à chaparder au supermarché, exploit réédité des années plus tard dans une librairie parisienne où, démasquée, elle subira l’humiliation la plus cuisante de son existence.

Victime de son vice, incapable de le juguler, obligée de vivre avec cette malformation congénitale, perversité avoisinant la paranoïa, elle qui ne les lâche qu’avec des élastiques et pleure le pain qu’elle mange voue une admiration sans bornes aux paniers percés et recherche leur compagnie... pour profiter de leurs libéralités. En fait, Catherine Cusset se sent terriblement ligotée par une rapiaterie qui pulvérise sa liberté et sous ses autofustigations transparaît un flagrant manque d’estime de soi. Sentiment de "nullité", écrit-elle même, sur lequel son humour et sa politesse l’empêchent de s’appesantir. Aussi trousse-t-elle ironiquement son strip-tease, dans un style décontracté et fluide et, au bout du compte, tout ce qu’il y a de plus généreux !