La mort sûre du Vampire
Le 23 février 2016
Après une première vague dédiée à la créature de Frankenstein, la collection Cinéma Monster Club déroule le tapis rouge pour l’empaleur des Carpates, le célébrissime comte Dracula, dans ces trois séquelles du classique de Tod Browning avec Bela Lugosi.
- Réalisateurs : Robert Siodmak - Erle C. Kenton
- Acteurs : John Carradine, Lon Chaney Jr, Edward Van Sloan, Lionel Atwill, Glenn Strange
- Genre : Fantastique, Épouvante-horreur
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Elephant Films
- Durée : 3h29mn
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– Sortie DVD & blu-ray : le 24 Février 2016
Après une première vague dédiée à la créature de Frankenstein, la collection Cinéma Monster Club déroule le tapis rouge pour l’empaleur des Carpates, le célébrissime comte Dracula, dans ces trois séquelles du classique de Tod Browning avec Bela Lugosi.
L’argument : Il avait déjà terrorisé les foules en 1931, Dracula est de retour quelques années plus tard accompagné de ses descendants dans trois suites très différentes les unes des autres, qui alternent avec malice une imagerie issue de l’expressionnisme allemand, un sous-texte lesbien et quelques invités monstrueux.
- © Universal Pictures / Elephant Films
La Fille de Dracula (1936) réalisé par Lambert Hillyer
Si le personnage de Dracula est probablement la figure la plus emblématique de l’horreur littéraire et cinématographique, le chemin emprunté par la série Universal sur le comte Vlad Tepes est assez unique et dispose d’une tonalité opposée aux autres franchises du studio spécialiste de l’horreur dans les années 30 et 40. Pas de destinée tragique au programme pour le prince des ténèbres, car contrairement à la créature de Frankenstein et au Loup-Garou, les vampires ne sont pas des incompris mais des créatures volontairement maléfiques. L’héroïne de La Fille de Dracula, la comtesse Zeleska, superbement campée par Gloria Holden, cherche certes à se débarrasser de sa malédiction mais cette quête est de courte durée. La vampiresse ne parvient pas à résister bien longtemps à son envie de peindre des jeunes demoiselles dénudées et de les croquer juste après, on la comprend. Film assez isolé dans l’histoire des monstres Universal, La Fille de Dracula détourne la série lancée par le film iconique de Tod Browning (bien qu’il s’agisse d’une œuvre assez mineure dans la filmographie du réalisateur de Freaks et de L’inconnu) et fait basculer le tout du côté du thriller aux connotations lesbiennes appuyées. Forcément, pour cause de censure, tout est suggéré, mais le film va néanmoins assez loin considérant les standards de l’époque. Le ton est donné, à partir de maintenant, les films de Dracula n’appartiennent plus au domaine de l’horreur mais à celui de la manipulation et de la séduction. Et pour séduire, il faut de l’humour et le long-métrage ne manque pas de céder brièvement aux sirènes de la screwball comedy, très en vogue à l’époque.
Techniquement, La Fille de Dracula n’est pas le plus remarquable des films de monstres Universal et le réalisateur Lambert Hillyer multiplie les faux raccords. Issu de l’usine du sérial, il est le premier cinéaste à avoir adapté Batman au cinéma en 1943 dans une série en 15 chapitres peu recommandable bien qu’amusante. On retiendra néanmoins de très beaux décors et une bande son de Heinz Roemheld franchement inspirée et qui aura certainement marquée Danny Elfman, tant les similarités sont évidentes. Le retour du Von Helsing (non, il n’y a pas erreur) campé par Edward Van Sloan, figure récurrente de la série, procure un lien léger avec le premier opus et l’acteur exécute sa tâche avec sa prestance habituelle. Quant à Gloria Holden, cette vétérante du théâtre dispose d’une meilleure diction que Bela Lugosi et d’une présence vénéneuse qui en fait une créature obsédante et bien plus magnétique que son cher papa. Malgré un rythme en dents de scie et une fin expédiée en Transylvanie, La Fille de Dracula reste un drame baroque et unique dans l’histoire du cinéma d’horreur, ne serait-ce que pour ses transgressions de certains tabous hollywoodiens.
Le Fils de Dracula (1943) réalisé par Robert Siodmak
Notre pauvre comte Dracula continue de se faire voler la vedette par ses rejetons. Cet opus, tout comme le précédent, tourne autour d’une demoiselle vénéneuse et fatale, qui souhaite embobiner l’héritier du seigneur des Carpates pour obtenir la vie éternelle. La belle Louise Allbriton n’égale pas Gloria Holden, mais offre néanmoins une performance efficace dans ce curieux mélanger d’horreur (un très léger soupçon, histoire de ne pas décevoir le public), de film noir et d’expressionnisme allemand. Pas surprenant, étant donné que Le Fils de Dracula est le fruit d’une collaboration entre les prestigieux Robert et Curt Siodmak, respectivement à la réalisation et au scénario. Allemands expatriés, Robert Siodmak a réalisé le chef-d’œuvre Les Tueurs, d’après Hemingway, tandis que son frère Curt a signé l’excellent scénario du Loup-Garou. Dans le rôle du vampire, l’homme à tout faire d’Universal : Lon Chaney Jr, qui s’en tire mieux que prévu. Connu pour son rôle inoubliable derrière le maquillage du Loup-Garou, il a également campé la créature de Frankenstein avant de prendre les traits du fils de Dracula. Si son physique imposant n’en faisait pas un candidat idéal pour un vampire, il se révèle excellent. Pas aussi connu qu’un Lugosi ou un Karlofff et moins célébré que son paternel, icône du muet, Lon Chaney Jr est peut-être le plus grand pilier de cette époque horrifique bénie.
Visuellement, le film emprunte beaucoup à l’expressionnisme allemand pour un résultat fascinant. Angles cassés, profondeur de champ poussée, superbes éclairages et une composition des plans unique, Siodmak dispose d’une patte inimitable dans la production hollywoodienne de l’époque. Au niveau du scénario, le détournement des codes est assez amusant, car la proie féminine du vampire se révèle être la réelle manipulatrice des événements. D’autres touches d’humour subtil parsèment le récit, comme par exemple la mise en abyme du personnage de Dracula, lorsqu’un personnage du film lit une des lettres de Jonathan Harker qui composait le roman épistolaire de Bram Stoker. Seul regret, tout comme dans La Fille de Dracula, l’aspect horrifique du film est assez anodin et malgré quelques belles ombres portées, les Siodmak ne capturent pas les ténèbres aussi bien que leur collègue James Whale. Le Fils de Dracula reste cependant un joli petit bijou de noirceur, qui a également le privilège d’avoir introduit le personnage d’Alucard dans la mythologie vampirique, création qui deviendra une star de jeu vidéo au Japon dans Castlevania quarante ans plus tard, une série de jeux qui se revendique en tant qu’hommage aux productions Universal. Une destinée que les frères Siodmak n’imaginaient probablement pas.
La Maison de Dracula (1945) réalisé par Erle C. Kenton
Deuxième crossover global des créatures Universal après le jubilatoire La Maison de Frankenstein un an plus tôt, La Maison de Dracula, bien que toujours réalisé par Erle C. Kenton, est néanmoins en deçà de son prédécesseur. L’intrigue inaboutie échoue à accomplir sa tache principale : se faire affronter les monstres mythiques que sont Dracula, la créature de Frankenstein et le Loup-Garou, qui se croisent à peine. Si l’opus précédent commettait le même péché, il disposait d’une ambiance de série B réussie et d’un rythme carré. Ici, malgré la présence d’acteurs inoubliables (John Carradine en vampire, Lon Chaney Jr en Loup-Garou et Glenn Strange en Frankenstein), l’ennui pointe le bout de son nez assez rapidement. Le patriarche du clan Carradine reste néanmoins l’un des meilleurs Dracula à être apparu sur grand écran, son visage et ses traits racés étant parfaits pour le comte séducteur. Abouti visuellement, le film multiplie les décors amples, gothiques et ténébreux, qui sont le théâtre de quelques jolis morceaux de bravoure, telle qu’une entrée musicale du vampire à la moitié du film particulièrement enivrante. Une séquence de rêve assez imaginative rehausse également le niveau du récit. Pourtant, le dénouement se révèle décevant. La créature de Frankenstein se réveille trois minutes à peine avant la fin du film et les monstres font de la figuration dans ce long-métrage ennuyeux qui dispose de peu d’atouts. La série des Dracula d’Universal se clôt ainsi avec un murmure, les mésaventures du comte n’ayant jamais atteint les sommets de Frankenstein, du Loup-Garou et de l’homme invisible. C’est bien dommage, mais Vlad Tepes s’en remettra, il a encore une longue filmographie devant lui.
LE TEST DVD ET BLU-RAY
Les trois films sont vendus individuellement en DVD et seul La Maison de Dracula bénéficie d’une édition combo blu-ray et DVD. Dommage, car il s’agit du long-métrage le plus faible du lot. Vendue à un prix raisonnable et bénéficiant de suppléments brefs mais instructifs, cette collection offre un bel écrin à des films assez difficiles à trouver en France.
Les suppléments
Certes, le menu n’est pas gigantesque, mais considérant l’âge des films proposés et leur relative rareté sur le marché français, les présentations de Jean-Pierre Dionnet se révèlent particulièrement riches. Le cinéphile le plus connu de France revient avec érudition sur l’histoire de Dracula dans un monologue passionnant (12 mn) et offre à chaque film une introduction de dix minutes environ qui sont de véritables mines d’informations. À cela s’ajoute des bande-annonces de l’époque, une galerie photos et un livret de douze page rédigé par Damien Aubel de la revue Transfuge.
L’image
Les copies proposées sont de qualité et n’ont pas trop souffert malgré leur grand âge. On notera quelques griffures et des transitions abîmées pour chaque film mais rien de trop gênant. Globalement, les films sont en meilleur état que la vague précédente de la collection qui était déjà plutôt satisfaisante. Il est donc encore plus dommage que seul La Maison de Dracula dispose d’une édition blu-ray en Full HD. Quoi qu’il en soit, les transferts sur chaque support sont bien réalisés et restituent bien les contrastes et le grain appuyé des long-métrages.
Le son
Chaque film de la collection dispose en DVD de pistes VO et VF en Dolby Digital Dual Mono tandis que le blu-ray de La Maison de Dracula opte pour le DTS Master Audio HD Dual Mono. Seul gros bémol, une scène du Fils de Dracula au son clairement crachotant et endommagé en VO. Au-delà de ce problème, le travail effectué est parfaitement satisfaisant et rend un bel hommage aux compositions majestueuses de Heinz Roemheld.
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