Le 3 décembre 2020
L’analyse de l’œuvre artistique de Clint Eastwood se transforme ici en passionnante étude sociologique. Laissant de côté la critique journalistique, l’auteur tente de comprendre les représentations de la masculinité, du rapport filial ou encore de la vieillesse dans ses films de cinéma. Un point de vue qui étonne autant qu’il se révèle pertinent.
- Auteur : Jean-Louis Fabiani
- Collection : Repères
- Editeur : La Découverte
- Genre : Essai, Cinéma
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 8 octobre 2020
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
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Résumé : Clint Eastwood est un modèle de longévité au cinéma. Le personnage divise par ses positions conservatrices mais connaît à l’inverse un succès critique dans son cinéma, à fort caractère social. Jean-Louis Fabiani retrace son parcours sous l’angle des questions de société.
Critique : Quand on évoque Clint Eastwood, les associations d’idées peuvent être nombreuses : de Blondin dans Le Bon, la Brute et le Truand, icône du western spaghetti, au romantique Robert Kincaid Sur la route de Madison, ou encore au fervent défenseur de la liberté de porter une arme dans les meetings de la NRA. Eastwood, tout cela et bien plus encore. Voilà une bonne matière pour une sociologie de notre époque : comment, à travers des décennies, le cinéma parvient-il à refléter une telle complexité d’un seul individu ? Voilà l’objet du livre de Fabiani, qui se lit avec gourmandise et intérêt, même pour des lecteurs moins cinéphiles.
En couverture du livre, la photo de Clint Eastwood dans le rôle de « l’homme sans nom » de la Trilogie du dollar de ses débuts. Personnalité mystérieuse, ce héros de western spaghetti imaginé par Sergio Leone colle parfaitement à son interprète : s’il est parfaitement droit dans ses bottes, on a du mal à saisir sa morale, son histoire, son but. Un point de départ parfait pour une sociologie du cinéaste, qui évolue au fil des époques comme dans ses films.
Le livre commence par la construction du « persona » d’Eastwood : ses rôles stéréotypés du justicier silencieux, impitoyable, au regard perçant dans sa période western lui confèrent une image virile, parfois violente et imposent une présence physique certaine à l’écran. Il devient alors l’incarnation d’une certaine idée de « l’homme », attiré par les armes et entretenant un rapport dominateur avec les femmes. Cette image se complète par son jeu d’acteur, même lorsqu’il est derrière la caméra : Clint Eastwood incarne souvent ses personnages principaux et ce quel que soit son âge. A 90 ans, il est toujours devant la caméra, pouvant montrer son corps qu’il veut fort et sain. Il est aujourd’hui un des rares acteurs à évoquer la vieillesse, la transmission, la perte de repères ou au contraire la volonté de toujours avoir sa place, dans une industrie où l’âge se montre rarement comme un atout.
L’œuvre du cinéaste est suffisamment vaste pour en faire un corpus intéressant, notamment en ce qui concerne la relation aux femmes. Sur la route de Madison est par exemple perçu par des féministes comme la mise en avant du désir féminin dans un monde machiste. Million Dollar Baby- remarquable Hilary Swank - met en avant une femme qui va aller au bout de son rêve en dépit de ses obstacles. La variété des genres - policier, western mais aussi film social ou mélodrame - témoigne d’une envie de témoigner de la société, à travers des thèmes chers à l’artiste. Que ce soit dans la célébration des héros ordinaires, des rapports entre la communauté et l’individu, ou encore dans les rapports familiaux. Beaucoup de films traitent de l’enfance, de ses dangers (Un monde parfait, L’échange, Mystic River) mais aussi parfois critiquent furieusement la jeunesse (Gran Torino, Space Cowboys).
Evidemment, 128 pages ne peuvent résumer l’œuvre d’une vie, surtout quand il s’agit d’une carrière aussi longue que celle de Clint Eastwood. Mais utiliser cette carrière pour mieux comprendre les intérêts, affirmations ou contradictions d’un homme blanc américain qui a choisi de s’exprimer par la caméra, s’avère tout à fait passionnant. Les questions raciales, de genre, de morale ou de justice sont au centre des long métrages de Eastwood et reflètent finalement les enjeux de nos sociétés occidentales. Avec ce livre, Jean-Louis Fabiani rappelle la place centrale du cinéma, qui va au-delà du simple divertissement : il s’agit de montrer, encore et toujours, les choix d’une vie, la complexité des sentiments et des actions de l’humanité. En choisissant d’étudier un réalisateur prolixe à la longévité exceptionnelle dans le septième art, l’étude dépasse son objet, Clint Eastwood, et parle de cinéma sous un angle original, enrichissant et tout à fait intéressant.
128 pages
version papier 10€
version numérique 7,49€
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