Les raisins de la lumière
Le 22 avril 2024
Avant de se taire pendant près de vingt ans, Terrence Malick avait en 1979 enflammé le ciel et les toiles avec un chef-d’œuvre à la fois épique et minimaliste, de toute beauté.
- Réalisateur : Terrence Malick
- Acteurs : Richard Gere, Sam Shepard, Brooke Adams, Linda Manz, Robert J. Wilke, Stuart Margolin, Richard Libertini
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Ciné Sorbonne (reprise), Park Circus France, Solaris Distribution
- Durée : 1h35mn
- Date télé : 7 octobre 2019 20:55
- Chaîne : Arte
- Reprise: 22 mai 2024
- Titre original : Days of heaven
- Date de sortie : 1er juin 1979
- Festival : Festival de Cannes 1979
– Reprise en version restaurée : 22 mai 2024
Résumé : En 1916, Bill, ouvrier dans une fonderie, sa petite amie Abby et sa sœur Linda quittent Chicago pour faire les moissons au Texas. Voyant là l’opportunité de sortir de la misère, Bill pousse Abby à céder aux avances d’un riche fermier, qu’ils savent atteint d’une maladie incurable. Mais Abby finit par tomber amoureuse du fermier, ce qui déjoue les plans de Bill... Ce film est une œuvre poétique, métaphore du paradis perdu où s’entremêlent les passions et la nature humaine.
Critique : Certains films tiennent au creux de leurs images une sorte d’évidence qui impose graduellement dès les premiers plans un sentiment trouble de beauté et de vertige, oscillant de manière paradoxale entre plénitude et inquiétude. Pour qui se laisse capturer, Les moissons du ciel appartient à cette famille d’élus ; Terrence Malick, le représentant le plus discret d’une génération presque disparue - les cinéastes modernes et mythographes -, y a distillé son art alchimique, en immobilisant sur l’écran une nature majestueuse qui enferme les hommes entre terre et ciel. « Formel », voire « formaliste », le film l’est incontestablement, avec sa photographie surchargée de références picturales - d’Andrew Wyeth à Edward Hopper -, où chaque prise de vue s’attache à restituer les lumières naturelles réputées techniquement les plus insaisissables, telles que l’aube et le crépuscule.
- © 1979 Paramount Pictures / 2017 Solaris Distribution. Tous droits réservés.
Au cœur de cette nature magnifiée, une histoire simple, qu’on a le sentiment de connaître d’entrée de jeu (deux hommes, une femme, un menu calcul qui se retourne contre ses inventeurs), et qui pourtant conserve son souffle tout le long du film. Malick livre une fresque paradoxale, car historique tout en restant dépouillée ; parcourue de motifs bibliques, sans que la solennité vire à la pompe.
En réalité, ce qui n’a cessé semble-t-il de travailler Malick, jusque (Le nouveau monde, sublime de pureté et de gravité), c’est un mythe fondateur américain, celui de la rencontre entre l’homme et la nature, y compris pour la labourer, tenter de la dominer, la plier à ses volontés. Partout où elle s’attarde, la caméra consigne la précision des gestes (le travail des moissons, avec toute la tradition paysanne qui l’accompagne) face aux détails naturels eux-mêmes : dans une séquence épique surgit le grand retournement des forces dominées contre la force dominante, et les insectes prennent une taille inattendue, monstrueuse, sur fond de flammes apocalyptiques.
- © 1979 Paramount Pictures / 2017 Solaris Distribution. Tous droits réservés.
Si le film ne vire pas au sermon, c’est que le cinéaste maintient vivant un contact particulier avec une zone intime à l’intérieur même de ses personnages, notamment par la sobriété des dialogues ou la simplicité insolite de la voix off, celle d’une petite enfant des villes, qui porte en elle déjà de trop nombreuses années de travail. Peu à peu, le social se mêle à la romance, les histoires rejoignent l’historique, comme sur les photos en noir et blanc qui ouvrent le générique de début. Les moissons du ciel, bien avant les interprétations tortueuses qu’il est possible selon certains de tirer d’Avatar, pourrait être l’une de ces œuvres où il est question du monde et de l’environnement, non dans un sens angélique ou moralisateur, mais comme une relation fragile et ténue entre des êtres et le milieu dans lequel ils évoluent, et qui les rappelle à son ordre et à son rythme, constamment.
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Frédéric Mignard 13 juin 2010
Les moissons du ciel - Terrence Malick - critique
Splendide, cela va sans dire. J’ai hâte de le retrouver en version restaurée, et au Max Linder, s’il vous plaît. Désolé pour la pub, mais bon...
roger w 13 juin 2010
Les moissons du ciel - Terrence Malick - critique
Loin de moi l’idée de remettre en cause le talent visuel et formel du cinéaste Terrence Malick, mais une fois de plus ce très joli diaporama de blés battus par les vents est d’un ennui absolu. Les personnages sont inconsistants et les saynètes se succèdent sans véritable lien narratif au point que l’on décroche rapidement. Au moins, on peut dire que le cinéaste a une thématique et un style bien à lui puisque l’on retrouve les mêmes qualités et les mêmes défauts dans le très surestimé Nouveau monde, un autre puissant somnifère, non remboursé par la Sécu.
Terrence Baelen 12 juillet 2013
Les moissons du ciel - Terrence Malick - critique
Dès ses premiers films, Malick savait filmer les émotions. Toutes les émotions. Magistral.
Sygma 28 novembre 2020
Les moissons du ciel - Terrence Malick - critique
J’ai vu ce film ce soir, en DVD. Je confirme et rejoins l’avis de Roger W, quasi soulagée... Plus les films sont ennuyants, contrarient toute éthique, et plus l’establishment crie au génie. Je suis sûre que la France a soif d’un autre genre de film, qui remet un peu à l’honneur la beauté et la grandeur d’une morale. Bref.
Malgré des photos à couper le souffle, soit, l’histoire est mal racontée : ça ne démarre pas, tel un film d’ambiance. On ne saisit pas si Abby est la soeur ou l’amante de Bill, ambigu (on doute jusqu’à la fin). On s’ennuie ferme, vraiment. J’ai persévéré qd-même espérant le moment révélateur qui réconcilie avec le film, en vain. Je persiste à penser qu’à trop vouloir être intellectuel, un film manque sa cible. C’est à nos émotions qu’il doit parler, pas à notre mental. Et là, on reste froids...