César 2014 : Les Garçons et Guillaume, à table ! devant La vie d’Adèle

On se plaint qu’à l’étranger, les nominations pour La Vie d’Adèle ne pleuvent pas, mais en France, on ne va pas dans le bon sens non plus.

Les César se souviennent de la crise du cinéma des années 80, du snobisme consistant à écarter toutes les comédies des nominations... Depuis que Les visiteurs et Les trois frères ont sauvé l’industrie du marasme dans les années 90, les académiciens ont donc cédé à l’appel du pied des producteurs et stars comiques. Désormais, chaque année, on ne compte plus les comédies sympathiques, mais invraisemblables au sommet des nominations. On se souvient en 2013 de l’overdose de nominations du Noémie Lvovsky, au final Camille Redouble faisait pâle figure avec ses 13 nominées et ses 13 perdants...
Au lieu de créer un César de la Meilleure comédie, un genre apprécié par les Français, réclamé par Dany Boon à l’époque de son Bienvenue chez les Ch’tis (triomphe phénoménal, mais flop aux Césars, ce qui était toutefois un peu logique ), l’Académie des César persiste à mettre tout et n’importe quoi dans la catégorie du Meilleur film... Les 10 nominations de Les Garçons et Guillaume, à table ! (Guillaume Gallienne), Meilleure Actrice dans un Second Rôle (Françoise Fabian), Meilleure Adaptation, Meilleur Montage, Meilleur Son, Meilleurs Décors et Meilleurs Costumes), nous apparaissent poussives. Ce film aussi sympathique soit-il, ayant effectivement beaucoup de qualités, ne relève en rien du meilleur de la production cinématographique de l’année. Cela en devient même risible quand le sublime Violette est totalement occulté, malgré des qualités d’interprétation, de réalisation, et d’écriture. Mais voilà, Violette a été un échec ! Il faudrait donc, à en croire cette liste de nominations, qu’un film populaire puisse réconcilier critique et public. L’adaptation de la pièce de Gallienne par lui-même, avec ses 2.5 millions d’entrées, répond à cette obligation d’audimat.

Ce qui est troublant avec ces 10 nominations, c’est que le film distribué par Gaumont passe devant La Vie d’Adèle, magnifique drame naturaliste, qui doit se contenter de 8 nominations, et pas des plus logiques de surcroît. On en voulait presque aux Américains d’avoir écarté Kechiche des Oscars, ou aux European Academy Awards de l’avoir totalement boudé, mais nous, que faisons-nous ? Le consensus ne pouvait-il pas jouer en sa faveur ? Et puis mettre Léa Seydoux en meilleure actrice quand elle ne tient qu’un second rôle (!) alors que l’actrice principale n’est réduite qu’à un vulgaire espoir féminin... Adèle Exarchopoulos avait été envisagée pour l’Oscar de la Meilleure actrice tout de même. Vis à vis de cette dernière, cette faute est impardonnable. Pendant ce temps, Les Garçons et Guillaume, à table ! est nominé comme Meilleur premier film et Meilleur Film. Quid de l’incroyable Adèle ? On s’énerve...
Heureusement, un film d’art et essai pur et dur, au sujet totalement radical, prouve que pour une fois, les sélectionneurs ont eu, excusez-nous du mot, des couilles ! L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie est reconnu par ses pairs grâce à 6 nominations largement méritées. Dans un contexte politique et social nauséabond, c’est une bénédiction. Et puis le cinéma d’auteur pur mérite autant sa place aux sommets que les grosses productions attendues du Made in France.
Une pensée émue pour Julie Gayet, que les méchants médias aimaient décrire comme une actrice finie (s’y connaissent-ils en cinéma ?). Sa présence dans la catégorie du Meilleur second rôle pour Quai d’Orsay est une belle revanche. Et si elle l’emportait, cela ne serait pas du favoritisme culturel. Elle a encore sa place au coeur de notre industrie.