Il faut chanter maintenant
Le 11 mai 2014
Trois récits de deuil abordés avec une frontalité gracieuse, douce et implacable. Le premier long métrage d’un jeune cinéaste brésilien à suivre.


- Réalisateur : Caetano Gotardo
- Acteurs : Cida Moreira, Andrea Marquee, Fernanda Vianna
- Genre : Drame
- Nationalité : Brésilien
- Editeur vidéo : Damned Distribution
- Durée : 1h37mn
- Titre original : O que se move
- Date de sortie : 2 octobre 2013
- Plus d'informations : http://www.damneddistribution.com/

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– Tournage de juin à août 2011 à Sao Paulo
– Musique : Marco Dutra, Caetano Gotardo (textes), Ramiro Murillo
Trois récits de deuil abordés avec une frontalité gracieuse, douce et implacable. Le premier long métrage d’un jeune cinéaste brésilien à suivre.
L’argument : Au dernier jour des vacances, Pedro reste imperturbable dans son rythme de vie flegmatique. Ses parents s’en amusent. Une visite va soudain changer le cours des choses. Dans son studio d’enregistrement, Eduardo ressent une étrange douleur, tandis que Silvia, sa femme, envisage de partir en vacances avec lui et leur bébé. Ana et João s’apprêtent à vivre les retrouvailles avec leur enfant qui leur a été volé à la naissance. Ces 3 histoires nous livrent des émotions très intenses sur les rapports entre parents et enfants, et ce qui s’y communique difficilement.
Notre avis : Le premier long-métrage de Caetano Gotardo n’est pas tout à fait un coup d’essai puisque ce cinéaste brésilien trentenaire s’était déjà fait connaître par une série de remarquables films courts projetés dans divers festivals (citons entre autres : Feito não para doer, 2003 ; O diario aberto de R 2005 ; O menino japonês, 2009 ; Os barcos, 2012).
- O que se move - Caetano Gotardo 2011/2012
O que se move s’inscrit dans le prolongement de ce travail. On y retrouve le goût de l’argument ténu, débarrassé de fioritures, et de partis pris formels affirmés, proches de ceux du cinéma expérimental, mais au service d’une émotion immédiate qu’ils canalisent et renforcent en même temps.
Les trois parties qui composent le film peuvent d’ailleurs être vues comme autant de courts métrages autonomes. Chacune a sa tonalité musicale propre mais l’évidence avec laquelle elles s’enchaînent, sans que rien ne signale le passage de l’une à l’autre, montre bien qu’elle forment un tout cohérent, qu’elles se situent dans le même monde inquiet et étrangement apaisé.
Ce sont trois variations sur le thème du deuil, de la manière dont on tente d’affronter une disparition soudaine (ou pire des retrouvailles impossibles comme dans le troisième volet) ouvrant un trou béant dans un quotidien jusque là paisible.
Le sujet fait peur sur le papier mais Caetano Gotardo réussit l’impossible : aborder l’inacceptable sans détours, de la manière la plus frontale, au plus près des personnages et de leurs émotions, tout en le dédramatisant subtilement, en ne laissant pas l’irruption soudaine de la tragédie rompre le rythme égal, l’espèce d’harmonie fragile, comme en suspens qu’il a mis en place d’emblée.
- O que se move - Caetano Gotardo 2011/2012
Cette dédramatisation passe par un humour qui n’a rien de cynique (la distraction du jeune père faisant irruption dans le studio d’enregistrement reste légèrement comique, même après que se soit révélé qu’elle était loin d’être inoffensive), et par une attention à ce qui à priori semble accessoire, inutile, mais qui s’avère non moins important que les coups de théâtre et les grandes révélations : les conversations et chassé-croisés dans le parc de l’épisode N°1 nous permettent, après coup, de comprendre, comme le chantera sa mère, que ce qu’on apprendra sur le jeune homme ne saurait tout dire à son sujet.
Elle le fera donc en musique. Car chacun des trois épisodes se termine par une chanson permettant aux trois mères du film de donner une forme à leur désarroi au moment où il menace de devenir indicible, insupportable.
- O que se move - Caetano Gotardo 2011/2012
Ce recours au chant n’est pas une échappatoire facile. C’est plutôt une manière de regarder la douleur en face, sans l’atténuer, mais en douceur, sans effet d’intimidation. Une audace véritable qui dépasse le simple effet de style et que les trois actrices, extraordinaires, affrontent avec une grâce infinie.
Oui : ce film discret, murmuré, est indispensable et Caetano Gotrado est un cinéaste à suivre de très près.
Disponible en DVD chez Damned Distribution.
Suppléments : Le garçon japonais, un court-métrage de Caetano Gotardo (18mn)
Langues : VO portugaise. Sous-titres : français.
O que se move - Caetano Gotardo 2011/2012