Les chants désespérés sont les chants les plus beaux.
Le 3 juin 2010
Le journal intime d’un adieu au monde à la beauté poignante. Peut-être le chef-d’oeuvre de Guy Gilles, contrebandier du cinéma français.
- Réalisateur : Guy Gilles
- Acteurs : Jeanne Moreau, Richard Berry, Jean-François Balmer, Patrick Jouané, Sylvie Vartan, Danièle Delorme, Nathalie Delon, Patrick Penne, Pierre Bertin, Yves Robert, Jacques Castelot, Corinne Le Poulain, Claude Génia, Xavier Gélin
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Durée : 1h25mn
- Date de sortie : 1er novembre 1972
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Résumé : François travaille dans une banque. Il a vingt-deux ans et rien ne semble l’intéresser en ce monde. Le directeur le convoque et lui déclare qu’étant donné ses absences répétées, il n’est plus question pour lui de conserver ce poste. Cette rupture avec le milieu professionnel déclenche chez François un processus d’isolement irréversible.
Critique : Guy Gilles (1938-1996) est un contrebandier du cinéma français, ni vraiment en marge, ni tout à fait à l’intérieur du système. Il n’appartient pas vraiment à la Nouvelle Vague bien qu’il en soit contemporain. Il passe aussi sans arrêt du cinéma (huit longs métrages, une douzaine de courts) à la télévision (épisodes de la série Dim, Dam, Dom, Proust, l’art et la douleur, Saint, poète et martyr sur Jean Genet, etc.) Ses œuvres inclassables naviguent entre fiction et journal intime, collage poétique et essai documentaire.
Lorsqu’il entreprend Absences répétées, il se remet à peine d’une rupture avec Jeanne Moreau qui l’a conduit à une tentative de suicide et le film est nourri de cette expérience. Le protagoniste est un jeune toxicomane coupant progressivement les liens avec tous ceux qui l’aiment.
La voix de Jeanne Moreau, chantant l’émouvante chanson-titre écrite par elle-même, ouvre et ponctue le film, le plaçant d’emblée sous le sceau de la mélancolie.
Cette mélancolie est présente à chaque plan. Des visages d’inconnus nous regardent, jeunes et beaux, ou vieux et atrocement fardés tels des masques qui disent la fuite du temps. Les murs décrépis d’un vieux Paris en train de disparaître et à la beauté d’autant plus poignante sont recouverts d’affiches à demi arrachées. Dans un club de danse sans âge les mêmes couples tourbillonnent depuis un demi siècle au son des valses et des tangos. Des chansons anciennes et de vieilles photos surgissent sans crier gare.
De l’hiver au printemps, les jours s’inscrivent à l’écran accompagnés de courtes phrases poétiques, ou de pages de lettres qu’une voix off lit parfois. Le passé ressurgit tout à coup en de brefs plans-souvenirs. Les dialogues sont presque toujours dits sur un ton de confidence feutrée mais les changements de registre sont affrontés franchement. Une soirée mondaine donne lieu à un numéro haut en couleur de Pierre Bertin en vieil homosexuel à la fois grotesque et plein de panache.
L’acteur qui incarne François, Patrick Penne, est parfaitement émouvant dans sa présence-absence, mais nombreux sont ceux, célèbres ou anonymes, qui passent, ne fut-ce qu’un instant, dans Absences répétées. Si brève que soit leur apparition, Guy Gilles sait nous révéler la grâce qui les habite.
Son regard de poète, d’une mélancolie indéfectible, sait aussi nous faire partager son émerveillement permanent devant la beauté poignante du monde.
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