Le 29 octobre 2024
Boxing Gym ressemble à une parenthèse hypnotique d’un bout à l’autre, dont la force principale est de découvrir une face cachée et oubliée de la boxe tout comme des États-Unis.
- Réalisateur : Frederick Wiseman
- Genre : Documentaire, Film de sport
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Dulac Distribution
- Durée : 1h31mn
- Date de sortie : 9 mars 2011
- Festival : Festival de Cannes 2010
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Résumé : Austin, Texas. Richard Lord, ancien boxeur professionnel, a fondé son club de boxe Lord’s Gym, il y a seize ans. Des personnes d’origines et de classes sociales et d’âge différents s’entrainent dans ce gymnase : hommes, femmes, enfants, docteurs, avocats, juges, hommes et femmes d’affaires, immigrants, boxeurs professionnels ou aspirants professionnels côtoient de simples amateurs et des adolescent en quête de force et d’assurance. Le gymnase est une illustration du "melting pot" à l’américaine où les gens s’entraînent, se parlent, se rencontrent...
Critique : La force documentaire que puise depuis des années F. Wiseman tient dans l’absence de spectaculaire et le refus d’asséner une quelconque morale ou une quelconque singularité esthétique (ce qui fait la radicalité essentielle d’un film comme La danse en même temps que sa déplorable envie de fermer les yeux sur la sensualité de l’art et du corps). La voix off n’existe pas et le commentaire sort naturellement de l’image. Wiseman est un des très rares cinéastes du regard, en cela qu’il donne à voir dans un format approprié une réalité dont il ne déforme jamais l’expression et le rythme. Il semble ausculter infiniment, sans jamais compresser. Boxing Gym offre alors une perspective documentaire qui semble être la source même de ce qui n’est pas fictif, retraduisant aussi bien les paroles d’anonymes comme les ambiances que recouvre cette salle de boxe. On ne sait de chaque être humain rien d’autre qu’une bribe d’existence ; il n’y a pas ici de héros ou de seconds rôles. Wiseman ne penche jamais vers le photogénique ou l’attrait affectif : ainsi l’absence de parole d’un bébé dans une poussette tient la même place que l’entraîneur de la salle. Au détour de conversations aléatoires, prises dans le vif de quelques moments, Boxing Gym donne à voir quelle place occupe la boxe dans le cœur de ces quelques citoyens américains.
Il n’y a pas de défaillance au régime imposé par la caméra du documentariste et de son équipe : celle-ci tourne sans arrêt, en recul, comme une loupe au travail, saisissant fugacement tel ou tel moment pour dessiner les contours d’une civilisation variée qui forme l’Amérique elle-même. Et la boxe de devenir paradoxalement un îlot de paix dans lequel se joue l’évasion du quotidien et de sa violence, l’envie de tout miser sur sa puissance physique jusqu’à atteindre une transe totale que le regard capte en étant forcé à observer les choses dans leur vérité profonde. Wiseman ne déforme pas les faits, il nous pousse à les regarder sous un angle que l’on oublie quotidiennement, celui de la répétition et de la fixation.
Les plans rapprochés sur les pieds sautillants d’un boxeur deviennent, au bout de quelques secondes, les tableaux mouvants d’une rythmique tribale à travers laquelle le boxeur échappe à sa condition imposée en dehors de la salle de boxe. Et de celle-ci Wiseman ne s’en défait jamais ; tout le monde est convié à cet échange idyllique qui masque sa beauté sous des apparences barbares de sueur et de bruit.
Boxing Gym éduque le regard, comme depuis longtemps avec Wiseman, et le plus étonnant semble être l’absence de maltraitance envers le spectateur. À force de répétition, le système n’abrutit pourtant pas ; il nous hypnotise volontiers avec la magie sorcière d’un cinéaste qui sait cadrer ce qui ravivera à chaque séquence notre intérêt. Toute l’œuvre est construite de cette manière, restreinte dans ce lieu symbolique d’une Amérique révoltée mais douce, rebelle et tendre. On y entend résonner les tragédies externes (une fusillade racontée de façon neutre dans un dialogue qui néglige la violence) sans jamais voir à travers la fenêtre. Seuls les derniers plans crépusculaires laissent s’évader la ville d’Austin comme si celle-ci avait été ciblée, atteinte, épuisée et par-là même conquise dans sa globalité par le regard attentionné que porte Wiseman sur les sujets humains qui la peuplent.
Boxing Gym ressemble alors à une parenthèse hypnotique d’un bout à l’autre, dont la force principale est de découvrir une face cachée et oubliée de la boxe tout comme des États-Unis. Le Texas devient du coup un lieu d’échanges où, sans distinction, Noirs, Blancs, Latinos, enfants, seniors, femmes enceintes dialoguent comme si tout cela était bien plus que des États unis. Et ainsi, dans cette parenthèse magique relevant de l’utopie, de révéler les trésors humains enfouis au cœur d’une salle de boxe aussi vaste que le pays qui la porte.
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