Le 11 mai 2015
Un documentaire magistral, aussi beau qu’intelligent, qui ouvre une réflexion particulièrement stimulante.
- Réalisateur : Frederick Wiseman
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Américain, Britannique, Français
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Durée : 2h54mn
- Date de sortie : 8 octobre 2014
- Festival : Festival de Cannes 2014
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Un documentaire magistral, aussi beau qu’intelligent, qui ouvre une réflexion particulièrement stimulante.
L’argument : National Gallery s’immerge dans le musée londonien et propose un voyage au cœur de cette institution peuplée de chefs d’œuvre de la peinture occidentale du Moyen-âge au XIXe siècle. C’est le portrait d’un lieu, de son fonctionnement, de son rapport au monde, de ses agents, son public, et ses tableaux. Dans un perpétuel et vertigineux jeu de miroirs, le cinéma regarde la peinture, et la peinture regarde le cinéma.
Notre avis : La National Gallery est présentée dans le documentaire comme un monde clos, malgré quelques plans d’extérieurs (file d’attente, banderole de Greenpeace, fontaines lumineuses). Et ce monde clos est lui-même composé d’autres mondes clos : ceux des techniciens, des conférenciers, des gestionnaires, des responsables de communication, des experts. Si une même minutie les anime, ils semblent vivre indépendamment, et les séquences qui leur sont consacrées les séparent, souvent par le plan récurrent des différents plafonds, comme des têtes de chapitres muettes. La caméra de Wiseman les suit au plus près, multipliant les échelles de plan et les points de vue ; et c’est d’abord ce qui frappe le spectateur, cette sensation d’immersion dans les œuvres et dans la vie du musée. Nous sommes littéralement happé par des détails d’un tableau, une restauration devant nos yeux ; nous sommes au milieu de l’assemblée générale qui discute du budget et annonce une restriction de personnel ; nous sommes le troisième homme d’un dialogue de spécialistes. Wiseman, qui n’en est pas à son coup d’essai (il filme depuis 1967), nous montre de sa caméra mobile et à l’aide d’un montage savant ce que nous n’aurions jamais espéré voir : non seulement les coulisses et les rouages du vénérable musée, mais encore un Rembrandt et sa radio, avec sa part de révélations, ou encore le bon angle pour saisir un crâne anamorphosé dans un tableau d’Holbein. Ce voyage à l’intérieur des œuvres, magnifié par une image somptueuse, est une interrogation sur l’art et son sens en même temps qu’une réflexion intelligente sur le regard. À l’image des nombreux portraits de la National Gallery, Wiseman cadre des spectateurs, créant des champs / contre-champs entre les tableaux et eux, qui sont autant de méditation sur ce que c’est que regarder.
Bien sûr, part belle est faite aux multiples conférenciers et experts, qui devisent sur l’éclairage d’un triptyque ou la méthode de Stubbs pour peindre des chevaux ; de ces paroles stimulantes naît une familiarité avec des œuvres, qui peuvent toucher le néophyte aussi bien que l’amateur éclairé. Mais le film semble, en creux, dessiner le portrait d’une société de spécialistes, privée d’affects, une société du commentaire et du commentaire du commentaire, incapable d’un rapport simple à l’art. Au fond peut-être ne savons-nous plus regarder : la médiation du discours sur, qu’il n’est évidemment pas question de rejeter, aboutit à une impossibilité de se laisser toucher, ou même d’avoir une opinion personnelle. Les visages des visiteurs, en ce cas, ont l’opacité de maints tableaux dont on a perdu la clef ; nous sommes des énigmes face à des énigmes.
© Kool
Le documentaire est d’une richesse telle que sans cesse notre esprit est sollicité ; une seule vision s’avère insuffisante pour embrasser la somme d’informations déversées et chacun retiendra tel ou tel point selon ses goûts et sa culture. Pour notre part, des bûcherons de Bellini aux gestes de la Dalila de Rubens, en passant par la partition de Watteau, notre soif de savoir a été étanchée au-delà de nos espérances. Mais, plus que ce savoir, ce sont les interrogations restantes qui nous ont titillé : Le Caravage dessinait-il ? Quel est le sens d’un Vermeer ? d’un Velázquez ? Cette part d’ombre et de mystère parcourt le film et lui donne une profondeur insoupçonnée. Aussi quand, après la lecture d’un poème et une danse qui jettent des ponts entre les différents arts, après surtout cette succession de portraits qui nous regardent comme pour un au revoir et que nous quittons à regrets, après donc 2h54, quand le générique défile, sommes-nous un peu plus riches, un peu plus intelligents et prêts à poursuivre la réflexion engagée.
Le DVD
L’image :
Somptueuse, de la précision de chaque détail au rendu des couleurs, elle met en valeur le formidable travail du réalisateur.
Le son :
Comme pour l’image, on est au top : les deux pistes sous-titrées DTS HD-MA 2.0 et 5.1 rendent justice au moindre souffle, à la moindre inflexion de la voix. Rien évidemment ici de spectaculaire, mais on est immergé dans un monde de bruits et de commentaires.
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