Un Français à New York
Le 31 octobre 2013
Quand Guillaume Canet rejoint sa promise à Hollywood pour un remake des Liens du sang avec Owen, Crudup et James Gray... Verdict.
- Réalisateur : Guillaume Canet
- Acteurs : Marion Cotillard, Clive Owen, Billy Crudup, James Caan, Zoe Saldaña, Mila Kunis
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Américain, Français
- Distributeur : Mars Distribution
- Durée : 2h07mn
- Date télé : 11 septembre 2023 22:16
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Date de sortie : 30 octobre 2013
- Festival : Festival de Cannes 2013
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Résumé : New York, 1974. Chris, la cinquantaine, est libéré pour bonne conduite après plusieurs années de prison pour un règlement de compte meurtrier. Devant la prison, Frank, son jeune frère, un flic prometteur, est là, à contrecœur. Ce ne sont pas seulement des choix de « carrières » qui ont séparé Chris et Frank, mais bien des choix de vies et une rivalité depuis l’enfance. Leur père Léon, qui les a élevés seul, a toujours eu pour Chris une préférence affichée, malgré les casses, la prison… Pourtant, Frank espère que son frère a changé et veut lui donner sa chance : il le loge, lui trouve un travail, l’aide à renouer avec ses enfants et son ex-femme, Monica. Malgré ces tentatives, Chris est vite rattrapé par son passé et replonge. Pour Frank, c’est la dernière des trahisons, il ne fera plus rien pour Chris. Mais c’est déjà trop tard et le destin des deux frères restera lié à jamais.
Critique : Séchez donc vos petits mouchoirs, Guillaume Canet se lance plein d’ambition dans l’aventure américaine. Avec Blood Ties, remake du film de Jacques Maillot Les Liens du sang, nul doute que le frenchy parvienne à chauffer le cœur de nos amis outre-Atlantique. Plutôt prenant à défaut d’être réellement attachant, un bel hommage au New York des seventies... Pour son premier film à Hollywood, Guillaume Canet, qui s’était déjà essayé au polar avec le très bon Ne le dis à personne, a bénéficié de l’aide substantielle de son ami James Gray, le réalisateur de La nuit nous appartient. En résulte un scénario à quatre mains brillamment orchestré et d’une grande densité, qui brosse un portrait sans complaisance de personnages au bord du gouffre. Une grande fresque à la Scorsese où truands, flics, putes et marginaux de tout poil se fondent en une gigantesque faune, engloutie par un New York à l’ambiance surannée. Dans un monde où l’individu semble fatalement écrasé par le poids de la société, les protagonistes gravitent autour de la frontière souvent floue séparant le bien et le mal, la loi et l’illégalité, afin de tenter de survivre. Malgré cet espèce de déterminisme, voire de misérabilisme social parfois un poil pesant, le scénario met en avant la notion de choix sans pour autant chercher ni à juger, ni à trouver des circonstances atténuantes. Souvent âpre, parfois brutal, Blood Ties met en avant ces liens du sang qui, malgré l’incompréhension et la rivalité entre les deux frères, les rattachent intrinsèquement l’un à l’autre. De bien des manières, le film évoque la tragédie antique et notamment une Antigone obligée de trancher entre son devoir civique et une loi morale qui lui incombe de donner une sépulture à son frère au péril de sa vie. L’apport principal de Gray, qui avait déjà exploré les relations conflictuelles entre deux frères de part et d’autre de la barrière dans La nuit nous appartient, est d’avoir donné à cette relation étroite une vraie chair sans tomber dans un manichéisme sirupeux. Malgré l’utilisation (volontaire) de personnages pour le moins archétypaux qui tentent de trouver la place qu’il croient la leur afin de faire de leur vie un enfer supportable (l’ex-femme qui tente d’arrêter la dope et le trottoir en s’accrochant à la mauvaise personne, le truand qui replonge car c’est la seule chose qu’il sait faire, le flic vertueux qui sombre lui aussi dans la déchéance parce qu’obligé de trahir sa ligne de conduite, la petite frappe aveuglée par la vengeance...), le film évite assez finement l’aspect cliché. Certes, Blood Ties n’a pas la prétention de révolutionner le genre, se contentant de se conformer à des standards comme Serpico, Carlito’s Way (L’impasse), et de donner une seconde jeunesse aux rues poisseuses et aux voitures vintage de Panique à Needle Park. Mais l’ensemble, fait de morceaux d’histoires imbriquées les unes les autres avec une grande cohérence, permet à Blood Ties de trouver, à défaut d’un style propre, un bon rythme de croisière.
- "Blood Ties" : Billy Crudup et Clive Owen
- © Mars Distribution
En dépit de nombreuses fioritures (l’utilisation du flash-back, le dîner familial...), quelques longueurs notamment dans les séquences avec Marion Cotillard (peu crédible en prostituée camée et parfois à la limite du surjeu) et une musique trop illustrative (vraiment gênante lors de la scène finale), Blood Ties est un film de bonne facture rondement mené par un casting de haut vol. Il lui manque cependant l’essentiel, ce souffle épique (hérité de l’âge d’or hollywoodien) et ce contraste entre calme apparent et moments paroxystiques survitaminés qui faisait la force d’un film comme Heat. Guillaume Canet, peu habitué à l’exercice, n’avait manifestement pas les épaules assez larges pour porter une charge de cette envergure. Sans doute par peur de trahir ses modèles, il livre une réalisation sobre et plutôt efficace, mais surtout beaucoup trop sage, dénuée de cette vision propre au génie des Scorsese, Coppola ou Michael Mann. Un brin dommage car avec le talent de Billy Crudup (qui a heureusement remplacé Mark Wahlberg), Clive Owen, et une belle brochette de seconds rôles (Matthias Schoenaerts et Zoé Saldana, la sexy Na’vi d’Avatar en tête), il y a avait vraiment de quoi se régaler. Hélas, tout cela reste un peu plat, et l’émotion semble juste affluer à la surface sans jamais parvenir à nous toucher profondément. Résultat, on a du mal à se sentir totalement impliqué, prisonniers que nous sommes de notre condition de spectateur. On se demande alors à quoi Blood Ties aurait bien pu ressembler si Ridley Scott -auteur du génial American Gangster- avait acheté les droits avant Canet... Mais pas de panique, Cartel a l’air plus que prometteur !
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