Philly anthropie
Le 14 octobre 2004
Sensualité, spiritualité et somptueux arrangements pour le retour d’une des voix les plus singulières de la nu-soul.


- Artiste : Scott, Jill

L'a écouté
Veut l'écouter
Avec un album dédié aux femmes, à l’amour et au genre humain en général, Jill Scott prouve que les bonnes intentions ne font pas forcément de mauvais albums. Une grande de la soul de maintenant, généreuse et aventureuse.
Vu la soul onctueuse et hyper-mélodique (le Philly sound des O’Jays, Billy Paul ou Teddy Pendergrass) qui a rendu Philadelphie fameuse depuis les années 70, on pourrait imaginer que la capitale de l’État de Pennsylvanie est peuplée de citoyens errant un doux sourire aux lèvres. Que les enfants y naissent un violon à la main, une roucoulade à la Stevie Wonder en guise de premier cri.
Malheureusement, il n’en n’est rien et Jill Scott se rappelle dans Rasool le premier mort qu’elle a vu à l’âge de quinze ans, un ami abattu dans la rue et qui sera suivi par d’autres. Rare incursion dans la description de la "vraie vie" pour elle, accompagnée dans Family reunion d’un portrait un brin amer des relations familiales. Avec un sens du détail qu’elle consacrait jusque là quasi exclusivement à l’exploration de ses sentiments amoureux et de son quotidien le plus intime.
On tient là notre Dido nu-soul ? Dieu merci, parmi ses contemporaines, la Scott aurait sûrement plus d’atomes crochus avec Björk, d’après le grain de folie qui perce (des vocalises incontrôlées à la fin de Bedda at home) comme pour son talent à bien s’entourer. Révélée en 1998 par sa somptueuse participation au single des Roots You got me, elle signe sur le label de Jazzy Jeff Townes, l’ex-collègue de Will Smith, pour un premier album (Who is Jill Scott ?) mariant la sensualité d’une soul minimaliste avec les beats hypnotiques du hip-hop.
Si les meilleurs moments de Beautifully human (The fact is (I need you)) ou un Spring summer feeling produit par Raphael Saadiq) proposent le son planant et le délicat phrasé mi-parlé mi-chanté qui ont fait connaître Jill Scott au-delà de l’étroite scène nu-soul, les arrangements comme l’inspiration se sont étoffés. Un Golden presque dansant, un Talk to me qui abandonne beats et synthés pour virer swing big band à mi-chemin comblent le fan transi qui craignait d’avoir attendu quatre ans pour une resucée de son premier disque. Jill Scott peut invoquer sans honte l’héritage de Minnie Riperton, étoile à la voix cristalline disparue à l’aube des années 80 : elle est déjà une personnalité à part, aussi affranchie des diktats commerciaux que l’étaient les esprits libres des seventies.
Jill Scott - Beautifully human (Epic/Sony)
Tracklisting
1 Warm up
2 I’m not afraid
3 Golden
4 The fact is (I need you)
5 Spring summer feeling
6 Cross my mind
7 Bedda at home
8 Talk to me
9 Family reunion
10 Can’t explain (42nd Street happenstance)
11 Whatever
12 Not like crazy
13 Nothing (Interlude)
14 Rasool
15 My petition
16 I keep / Still there
17 Bedda at home (Acoustic version)