Le 18 juillet 2024
Entre hésitations de la jeunesse et errances amoureuses, Au revoir l’été évoque avec poésie ces moments de transition qui amènent à la remise en question de soi. Un film doux et plaisant comme les derniers rayons de l’été.
- Réalisateur : Kōji Fukada
- Acteurs : Fumi Nikaidō, Taiga, Mayu Tsuruta, Kiki Sugino, Kanji Furutachi
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Survivance Distribution
- Durée : 2h06mn
- Titre original : Hotori no Sakuko
- Date de sortie : 17 décembre 2014
- Festival : Festival des 3 Continents
Résumé : Accompagnée de Sakuko, sa nièce, qui prépare son entrée à l’université, Mikie est de retour dans son village natal pour mener à bien la traduction d’un roman indonésien. La langueur estivale de la campagne japonaise est l’occasion pour Mikie, de renouer avec Ukichi, un ancien amant, gérant d’un love hotel clandestin et pour Sakuko de se rapprocher du timide Takashi, réfugié de Fukushima. L’ambition studieuse de cet été cède peu à peu la place à une rocambolesque ronde affective où la délicatesse et le burlesque ne masquent jamais tout à fait la dureté du Japon contemporain.
Critique : À travers une photographie douce et légèrement vaporeuse rappelant la torpeur de l’été, le réalisateur Kōji Fukada invite le spectateur dans un cadre rural loin de la frénésie des grandes villes. La campagne et les vacances d’été représentent en effet un lieu d’apprentissage récurrent au cinéma, un moment d’entre-deux où les esprits et les corps sont davantage disposés aux vagabondages et aux expériences dont ils reviendront changés. C’est avec plaisir que nous retrouvons le format 1:33, délaissé depuis quelques années pour d’autres plus larges et peut-être moins propices à montrer avec simplicité et légèreté ces périodes de transition et de remise en question. Le réalisateur crée ainsi un chemin sans prétention menant le spectateur à être témoin du quotidien estival des personnages et du cheminement de ces derniers. L’on découvre tout d’abord Sakuko - interprétée avec fraîcheur et délicatesse par Fumi Nikaidō –, jeune fille encore hésitante, à la recherche d’elle-même, mais non pas introvertie pour autant, puis le personnage de Mikie – interprétée par Mayu Tsuruta -, grâce à qui Sakuko va apprendre à regarder vers de nouveaux horizons. La connaissance de soi passe souvent par la découverte de l’autre et c’est ce que Kōji Fukada exprime avec naturel et sincérité dans le scénario de son film.
Les performances des acteurs, tout en retenue, laissent progressivement émerger les incertitudes qui habitent leurs personnages. La mise en scène d’Au revoir l’été donne lors de certaines séquences des indices de la solitude et de la tristesse de ces êtres en construction, comme c’est le cas de Takashi – interprété par Taiga –, jeune homme timide ayant abandonné le lycée pour travailler au love hotel de son oncle, figure furtive de l’inadaptation dans une société où l’on doit trouver sa place au plus tôt. N’étant pas dépourvu d’une certaine touche d’humour, fin et parfois satirique, le long-métrage parvient à conserver harmonie et unité de ton en suivant le parcours d’individus aux caractères bien différents. Montrant sa maîtrise de la direction d’acteurs ainsi que ses qualités d’artiste, le réalisateur présente également des instants de poésie où le temps se suspend et où la force des images impressionne.
L’on pourrait reprocher au film ses longueurs. Ce serait toutefois oublier qu’Au revoir l’été propose au spectateur de vivre la temporalité autrement, de la même manière que la vivent les personnages du film en cette fin de saison, où le relatif désœuvrement entraîne une dilatation du temps. Autre reproche qui pourrait être fait : le traitement du thème de l’apprentissage semble par ailleurs ne pas avoir été réellement traité par le réalisateur, qui dilue la thématique dans une mise en scène au tempo ralenti. C’est aussi paradoxalement ce qui fait le charme du film, qui ne se veut en aucun cas didactique. Avec Au revoir l’été, Kōji Fukada se place dans la lignée de Naruse ou de Rohmer et pourrait tout aussi bien se rapprocher du contemporain Hong Sang-soo, trois cinéastes qui ont su dépeindre les errances existentielles et sentimentales de leurs personnages dans une veine aussi réaliste que poétique.
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Claude Rieffel 11 janvier 2015
Au revoir l’été - Kōji Fukada - critique
Dans cette radieuse comédie météorologique gravement frivole, Kôji Fukasa assume ses références à Rohmer (les films de bord de mer surtout) et Hong Sang Soo, ou encore Naruse et Ozu (On pense aussi à Shimizu, notamment lors de la séquence de l’étang). Mais, loin de peser sur lui, ces influences revendiquées nourissent ce film léger qui réussit, avec une douceur qui n’exclut pas la crudité (ni la cruauté), à articuler beaucoup de choses du jeu amoureux mais aussi de l’état du monde et de la place qu’y occupe chacun. Il trouve la juste note musicale pour alier l’explicite à la délicatesse du trait et rendre très attachants tous ses personnages. Un antidote précieux à la vaine surenchère esthétisante et aux stratégies d’intimidation que déploient tant de faux chef-d’œuvres autoproclamés.