Le 15 juin 2023
Fukada est maître dans l’art de décrire les fêlures au sein la cellule familiale japonaise. Ce conte tragique en est une autre preuve.
- Réalisateur : Kōji Fukada
- Acteurs : Tomorō Taguchi, Fumino Kimura, Kento Nagayama, Atom Sunada, Misuzu Kanno
- Genre : Drame, Mélodrame
- Nationalité : Français, Japonais
- Distributeur : Art House Films
- Durée : 2h04mn
- Date de sortie : 14 juin 2023
- Festival : Festival de Venise 2022
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Résumé : Taeko vit avec son époux Jiro et son fils Keita en face de chez ses beaux-parents. Tandis qu’elle découvre l’existence d’une ancienne petite amie de son mari, le père biologique de Keita refait surface. C’est le début d’un cruel jeu de chaises musicales, qui risque de ne laisser sortir personne indemne.
Critique : Le poids de la cellule familiale traditionnelle japonaise et de sa plus ou moins grande résistance à la modernité a été une constante thématique du cinéma japonais, de Voyage à Tokyo de Yasujirō Ozu à Monster de Hirokazu Kore-eda. Les films de Kōji Fukada s’inscrivent dans cette mouvance, lui qui avec Harmonium avait cassé le mythe de l’ordre social par le biais de la chronique psychologique et du thriller onirique. Et si le cinéaste avait déçu avec Le soupir des vagues, L’infirmière se révélait délicieusement machiavélique, avant le séduisant diptyque Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis. Sans atteindre ces sommets, Black Life s’inscrit pleinement dans l’univers du réalisateur, qui manie les ruptures de ton avec aisance. Le couple formé par Taeko et Jiro semble comblé, eux qui vivent avec l’adorable petit garçon de la jeune femme, face à l’immeuble occupé par les parents en apparence serviables de Jiro. Mais le caractère étriqué de ces derniers, qui ont toujours refusé que leur fils adopte le garçonnet, est un premier signal de l’harmonie troublée. Et quand un événement familial imprévu survient, Taeko et Jiro voient leur couple connaître des turbulences, surtout avec le retour inopiné (?) de leurs ex respectifs…
- © 2022 Love Life Film Partners & Comme des Cinémas. Tous droits réservés.
On n’en dira pas plus sur le synopsis, tant le récit est basé sur des effets de surprise. Pourtant, Fukada, également scénariste, ne cherche pas à jouer la carte de la narration maline et des rebondissements téléphonés. Love Life est d’une rare délicatesse, et brosse un tableau glaçant des faux-semblants et trahisons venant menacer la sincérité des relations humaines. Jouant subtilement avec les dimensions spatiales de son histoire, le réalisateur tient à préciser dans le dossier de presse : « J’ai vraiment apporté un soin à la géographie des personnages, leur positionnement les uns par rapport aux autres. Jiro et Taeko vivent dans le même appartement mais leur éloignement est très évolutif. Je pense que cela définit aussi la manière dont ils ressentent leur intimité, comme le fait de pouvoir utiliser ou non la salle de bain. Par ailleurs, il travaille à la mairie, au bureau du service social, pendant qu’elle travaille dans une association d’aide aux sans-abris. Je voulais que les deux lieux soient séparés d’à peu près trente secondes à pied et mon équipe de repérage a trouvé cette configuration qui permettait les allers et venues. J’ai appliqué cette logique à tous les personnages ».
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Rien de cérébral pourtant dans cette démarche, l’œuvre pouvant s’apprécier également au premier degré, par le biais du mélodrame, même si l’on peut regretter un dénouement à double lecture pouvant laisser le spectateur sur sa faim. La direction d’acteurs est en outre admirable. Fumino Kimura compose un beau personnage d’épouse ambiguë, quand Atom Sunada se montre étonnant dans une composition de sourd-muet coréen. Et les amateurs de films culte nippons reconnaîtront, peut-être, dans le rôle du beau-père, Tomorō Taguchi qui fut l’acteur principal de Tetsuo et sa suite.
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