Théorème sur papier glacé
Le 26 avril 2024
Un mélo kitsch et esthétisant un peu écrasé par le poids de ses ambitions et des références mais qui ne manque cependant pas d’atouts pour séduire.
- Réalisateur : Luca Guadagnino
- Acteurs : Gabriele Ferzetti, Tilda Swinton, Diane Fleri, Pippo Delbono, Marisa Berenson, Alba Rohrwacher, Flavio Parenti, Edoardo Gabbriellini, Maria Paiato
- Genre : Drame, Mélodrame, LGBTQIA+
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h58mn
- Titre original : Io sono l'amore
- Date de sortie : 22 septembre 2010
- Plus d'informations : Le site du distributeur
- Festival : Festival de Venise 2009
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Résumé : Dans la propriété des Recchi, riche famille d’industriels milanais, Emma coule des jours monotones, enfermée dans son mariage et son sens du devoir. Au printemps, elle fait la connaissance d’Antonio, surdoué en cuisine et meilleur ami de son fils. Leur rencontre déclenche des passions longtemps réprimées et conduit Emma sur le chemin d’un retour à la vie.
Critique : Présenté au Festival de Venise en 2009, puis à Toronto, Pusan et Sundance, et sorti en Italie le 19 mars 2010, Io sono l’amore, le troisième long métrage de fiction de Luca Guadagnino après Les protagonistes et Melissa P., 15 ans, affiche de hautes ambitions poétiques et esthétiques. Le cinéaste, né à Palerme en 1971, s’est surtout illustré dans le documentaire et le vidéo-clip, et le style visuel du film témoigne de cette expérience : sophistication extrême des cadrages et de la photo, narration subtilement déconstruite avec des stases et des accélérations subites, collages poétiques parfois stupéfiants de beauté (des gros plans focalisant l’attention sur des détails pendant que l’action se poursuit hors champ), célébration des corps des acteurs transformés en icônes sensuelles, la ville de Milan sous la neige magnifiée par un regard qui frise le dépliant touristique de luxe (pour ne pas parler de l’excursion à San Remo), musique très présente signée John Adams (rien de moins !).
L’ombre de Visconti plane sur la séquence initiale, qui capte l’agitation fébrile d’une grande demeure de la haute bourgeoisie milanaise où l’on prépare les festivités organisées pour l’anniversaire du patriarche (Gabriele Ferzetti). Cette introduction est un tour de force qui installe d’emblée Io sono l’amore à un niveau de virtuosité que le film peine un peu à maintenir par la suite, virant par moments au roman-photo haut de gamme. Le regard que Guadagnino porte sur les rituels de la haute société milanaise est à la fois impitoyable et fasciné mais ne se départit pas tout à fait d’un côté glamour qui pourra agacer (en particulier le personnage de la grand-mère incarnée par une Marisa Berenson plus classe que classe).
Visconti n’est pas la seule référence. Il y aussi Derek Jarman, par le biais de Tilda Swinton, impeccable et hiératique interprète d’Emma et également coproductrice ; Antonioni (on pense à La notte bien sûr, mais aussi à Femmes entre elles et à L’avventura interprétés tous deux par Gabriele Ferzetti) ; Pasolini (L’irruption libératrice du cuisinier prolétaire incarné par Edoardo Gabbriellini, dans ce monde figé et mortuaire évoque Teorema, tout comme le personnage de la servante quasi muette jouée par Maria Paiato) ; Sirk pour le mélo flamboyant, et bien d’autres (Olmi, Altman, Ivory...).
Toutes ces influences clairement revendiquées tendent à écraser une œuvre aux louables intentions mais qui flirte dangereusement avec l’esbroufe et la grandiloquence, en particulier lors de la scène de l’enterrement du fils, lorsque mari et femme s’affrontent telles des figures de tragédie antique dans le mausolée du Cimiterro Monumentale pendant que les corbeaux entrent et sortent par les fenêtres de la coupole.
On regrettera surtout que le personnage émouvant du fils (Flavio Parenti), trop fragile pour porter l’héritage familial, et victime sacrificielle nécessaire à la fois à l’évolution économique et à la libération de sa mère, soit un peu noyé dans un ensemble qui brasse trop de thèmes : revendication de l’homosexualité par le biais de la fille lesbienne (Alba Rohrwacher), critique de la mondialisation économique, éloge de la nouvelle cuisine. Le penchant indiscutable de Guadagnino vers le chic et le toc irritera plus d’un spectateur. Il lui manque aussi le sens du carnavalesque qui fait de Schroeter, auquel on pense parfois, un authentique cinéaste baroque.
Pourtant ce périlleux exercice, qui avance vaillamment sur la crête séparant le ridicule et le sublime, ne manque pas d’atouts pour séduire.
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