Le 26 février 2025
Bien loin du si subtil Call Me by Your Name, le nouveau film de Luca Guadagnino s’enfonce de nouveau dans une forme d’imposture cinématographique. Une vraie déception pour les fans du réalisateur.


- Réalisateur : Luca Guadagnino
- Acteurs : Daniel Craig, Jason Schwartzman, Lesley Manville, Drew Starkey, Henrique Zaga
- Genre : Drame, Romance, LGBTQIA+
- Nationalité : Américain, Italien
- Distributeur : Pan Distribution
- Durée : 2h16mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 26 février 2025
- Festival : Festival de Venise 2024

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Résumé : Dans le Mexico des années 1950, Lee, un Américain, mène une vie désabusée au sein d’une communauté d’expatriés. L’arrivée du jeune Allerton va bouleverser son existence, et faire renaître en lui des sentiments oubliés.
Critique : L’on se souvient encore du Festin nu, adaptation de Burroughs par Cronenberg, qui mariait si bien les affres psychédéliques et drôlatiques de l’écrivain avec les passades fantastiques et hallucinatoires. Ici, Luca Guadagnino s’engage dans une mise en scène assez peu représentative de l’œuvre de l’écrivain où se mêlent les fantasmes homo-érotiques aux paradis artificiels, dans un décor de carton pâte, vaguement embué d’une sensualité faite sur mesure. Queer raconte la rencontre d’un écrivain d’âge mûr, qui s’empoisonne à l’alcool et la drogue, avec un jeune homme qui, pour d’obscures raisons, refuse d’assumer son homosexualité. Du coup, cette romance, si le terme est approprié, s’enlise dans un long, très long chassé-croisé amoureux où le second esquive les désirs du premier, tout en entretenant une forme de relation teintée d’ambiguïté et de malentendus.
- Copyright The Apartment
Bref, Queer ne fonctionne pas. À commencer par les décors, volontairement médiocres, derrière lesquels de grandes toiles sont suspendues, pour laisser le spectateur imaginer le contexte du récit. On pense évidemment en creux au très grand film Querelle de Fassbinder (d’après Genet), qui jouait sur des décors très théâtralisés, pour renforcer l’atmosphère suffocante de désir et d’érotisme. Ici, tout au contraire, on se sent projeté dans un studio très restreint, avec ces quelques prises sur des fenêtres où le monde semble sclérosé et figé. Le récit est construit sur trois chapitres et un épilogue, dont on ne perçoit pas vraiment la continuité narrative et qui, au lieu de renforcer le lien ambivalent entre les deux personnages, le pétrifie dans un genre qui ne parvient pas à se libérer du mélodrame et du fantastique suranné. Parfois, les peintures de Francis Bacon semblent s’inviter dans les quelques rapport sexuels entre les deux êtres où, au lieu de réveiller la sensualité, l’ennui et la frustration dominent.
Queer est immensément long. Les deux heures seize en paraissent trois de plus, tant le propos est appuyé et sirupeux. Les personnages sont finalement peu décrits, se réduisant à des caricatures d’eux-mêmes, quand l’un n’est pas ivre en mort en permanence, et l’autre transparent et illisible. Les trois parties sont très inégales, et pour la dernière, on peut même affirmer qu’elle est ratée. En effet, cette saillie dans l’Amazonie à la recherche d’une drogue qui aurait le pouvoir de la télépathie chasse totalement le peu d’intérêt qu’on aurait trouver à les regarder s’aimer.
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Il faut quand même le noter, et c’est là ce qui donne au spectateur l’envie d’aller au bout du récit, l’interprétation de Daniel Craig est absolument époustouflante. On est loin de ses rôles d’agent secret sur-vitaminé. Il joue ici un homme séduisant, qui lutte contre l’amour en privilégiant des relations sexuelles furtives, et qui peu à peu s’abîme et se perd dans la mélancolie et l’ivresse. Face à lui, il y a ce jeune acteur, Drew Starkey, peu connu sur les grands écrans, qui développe un véritable rôle de composition dans les traits d’un dandy souriant, qui ne parvenant pas à assumer son désir pour les hommes et se complaisant dans des relations empruntes de séduction, rejet et fuite. Les deux comédiens brillent à l’écran, qu’ils habitent avec une grande intensité.
Mais pour le reste, Queer demeure une petite œuvre de passage, assez mal filmée, et surtout animée par la complaisance du réalisateur à l’égard de son personnage principal. Prétendre que le film est un navet serait certes d’une mauvaise foi. Mais sans doute que la mise en scène aurait gagné à plus d’humilité, de précaution, et à un scénario mieux construit. Si la Mostra de Venise a vu dans ce film la révélation sur les écrans de Drew Starkey, nous n’y voyons là qu’un petit feu follet sans grande envergure.