Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution - Jean-Luc Godard - critique

Critique : Eddie Constantine, qui avait déjà incarné le célèbre détective dans sept films français de pur divertissement, reprend ici son personnage dans un univers aux antipodes des précédentes réalisations. Godard va évidemment tordre le cou au mythe du héros de polar classique pour le transposer dans un monde futuriste incompréhensible pour lui : dans cet univers dictatorial, la signification des mots est inversée, les contrevenants à la loi sont tués dans une mise en scène publique humiliante, ou invités à se suicider. Le détective, menacé en permanence, va beaucoup se déplacer, courir, monter et descendre des escaliers, et se perdre dans un dédale d’immeubles modernes tout de métal et de verre (La Maison de la Radio tout juste achevée à l’époque a servi de décor). Pour ne pas déroger à ses habitudes, il va tout de même se bagarrer, résister à la torture (mentale cette fois), faire preuve d’esprit de déduction (pas facile ici) et tirer plusieurs coups de feu. Il va être suivi de prêt par la femme fatale du Godard de l’époque : Anna Karina, amie ou ennemie ?
Ce thriller futuriste, qui en est aussi une parodie, est truffé de références, tant littéraires, philosophiques, politiques que cinématographiques. Et mine de rien, le film n’a pas autant vieilli qu’il n’y paraît : les dirigeants ont inventé une machine qui dirige les hommes dans une société despotique sans âme !

Le film a reçu l’Ours d’Or à la Berlinale 1965.