La comtesse de New York
Le 5 mai 2013
Julie Delpy livre une suite fidèle à l’esprit mordant du premier épisode, tout en renouant avec la nostalgie familiale et burlesque de son précédent film, le Skylab. Un vrai bonheur
- Réalisateur : Julie Delpy
- Acteurs : Chris Rock, Julie Delpy, Albert Delpy
- Genre : Comédie, Comédie romantique
- Nationalité : Américain, Français
- Durée : 1h31mn
- Date de sortie : 28 mars 2012
Delpy livre une suite fidèle à l’esprit mordant du premier épisode, tout en renouant avec la nostalgie familiale et burlesque de son précédent film, le Skylab. Un vrai bonheur
L’argument : Marion est désormais installée à New-York, où elle vit avec Mingus, un journaliste de radio, leurs deux enfants qu’ils ont eus de relations antérieures et un chat. Le couple est très amoureux ! Marion est toujours photographe et prépare son exposition. Son père, sa soeur et son petit copain (qui est en fait l’ex de Marion et qui n’était pas prévu du tout) débarquent à New-York pour le vernissage. Le choc des cultures mais surtout les personnalités débridées des trois arrivants vont provoquer un véritable feu d’artifice entre Mingus, un vrai "new-yorker’, Marion disjonctée sur les bords, son père qui ne parle pas un mot d’anglais, sa soeur toujours en phase avec ses problèmes freudiens, et son petit ami... no comment ! Vous pouvez deviner la suite. Ou pas...
Notre avis : Après une intrusion magistrale dans la conscience torturée d’Erzebeth Bathory et un panorama gentiment fêlé et nostalgique de la France des années 70 vue depuis l’archipel breton, Delpy replonge en décor urbain et renoue avec l’esprit indépendant de sa première comédie, 2 days in Paris, qui lui avait valu un beau succès critique. Bien entendu, cinq années s’étant écoulées depuis le premier épisode des aventures de Marion Dupré, on se doute que l’univers de la cinéaste n’est plus tout à fait le même. Si l’on reconnaît bien la même équipe, avec l’arrivée d’un Chris Rock détonnant, on sent en revanche qu’une blessure a eu lieu, cette même blessure que semblait anticiper à sa manière l’isolement meurtrier de La Comtesse et qui faisait toute la nostalgie savoureuse du Skylab : la perte de la mère. Elle occupe à sa manière le cœur du récit et ce n’est pas un hasard si les personnages de Delpy tendent à vouloir se fixer pour élever amoureusement leur progéniture d’un film à l’autre.
Comme dans 2 days in Paris, le décalage des cultures occupe ainsi le cœur d’un récit où Marion, nouvellement maquée, cherche à faire son nid, même s’il est ici pris à revers puisque ce sont les français qui débarquent aux USA. Voici donc arriver le père (Albert Delpy, libidineux à souhait tout en conservant cette tendresse paternelle qui lui va si bien) et la soeur nymphomane (Alexia Landeau, fantaisiste et effarouchée), justement accompagnée par son nouveau boyfriend qui n’est autre que… l’ex de Marion, évidemment incarné par Alex Nahon, qui a choisi de s’incruster joliment et fait figure de ver dans la Grosse Pomme où il se comporte comme un adolescent attardé. Entre temps, le titi-parisien est devenu une sorte de beauf décadent, ce qui n’est pas pour honorer le patrimoine familial auprès d’un Mingus intègre, fan solennel d’Obama.
Sur ce scénario évidemment propice aux débordements de tous ordres, Delpy tisse une comédie finalement assez légère, où la psychologie distanciée et les gags enfantins l’emportent sur le réalisme qui oeuvrait dans le Skylab – à tous égards un film plus ambitieux, mais d’un esprit fort différent. Ce goût de la surenchère, de l’excès, va de pair avec un jeu d’acteurs souvent parodique, qui trouve parfois ses limites dans quelques scènes d’une crédibilité douteuse – dans l’ascenseur notamment – mais dont il faut reconnaître qu’il est conduit d’une main de maître par l’actrice cinéaste, dont la direction artistique est à nouveau éblouissante. Comme ses précédentes œuvres, 2 days in New-York impose, à la fois par ses thèmes et la manière dont il conduit son récit, une forme de légèreté spontanée et de complicité immédiate avec son spectateur. On retrouve alors avec plaisir un univers que l’on commence à bien connaître – ou qu’il n’est pas trop tard pour découvrir – et qui œuvre comme une aire de jeu pour le spectateur familier, celui-ci se trouvant impliqué par la force des choses dans les intrigues des divers personnages.
Toute la force du cinéma de Delpy repose sur cette tension ou contradiction magique entre un sentiment de familiarité (souvent grâce aux prologues, toujours magistraux chez elle : comment oublier les premières minutes de La Comtesse ?) et le choix d’un non-respect des genres codifiés au profit d’une indépendance qui n’est pas sans rappeler, à certains égards, l’univers d’un Woody Allen. Tout comme La Comtesse, qui n’était ni un drame historique, ni un film d’horreur, ni vraiment une histoire d’amour tragique, 2 days in New-York est une comédie delpiesque, qui ne ressemble ni aux comédies romantiques américaines, ni aux comédies familiales bien lourdes et communautaires dont la France a parfois le secret. Flirtant avec les genres, les époques, suscitant la totale indifférence des uns et les éloges dithyrambiques de ses happy-few, Delpy intrigue, fascine ou agace, mais impose invariablement, d’un film à l’autre, un style qui lui est propre.
On est certes en droit d’attendre la pleine maturité d’un cinéma qui parfois cabote, mais impossible de ne pas dire combien il nous enchante, peut-être parce qu’il a choisi précisément de ne pas grandir trop vite, de conserver cet aspect trop joué, trop ludique, terriblement enfantin. Prenons donc place et laissons-nous entraîner par l’intrigue enlevée, rythmée et foisonnante de ce dernier opus, sans doute pas « magistral » au sens fort, mais qui réserve de belles surprises en cours de route (apparition de Vincent Gallo dans son propre rôle : joli clin d’œil au cinéma d’auteur à la française) et qui renoue avec une tradition populaire sans populisme, celle du divertissement haut-de-gamme dont le secret ne cesse de se perdre.
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roger w 31 mars 2012
2 days in New-York - la critique
Si la réalisatrice fait toujours preuve de mordant lorsqu’elle signe des dialogues vachards, elle a la main bien plus lourde ici qu’à l’accoutumée. Son film ne nous épargne pas vraiment les clichés sur les relations franco-américaines, alors même qu’elle avait su s’en affranchir lors du précédent opus. Certains passages avec la famille de dingos tombe même dans la caricature la plus grossière. C’est vraiment dommage. Un peu plus de soin dans l’écriture n’aurait pas fait de mal.