Le 11 juin 2021
Julie Delpy revient sur les écrans dans un registre qu’on lui connaît peu. Si le récit est haletant et éprouvant, se pose toutefois un risque de surenchère narrative.


- Réalisateur : Julie Delpy
- Acteurs : Daniel Brühl, Julie Delpy, Saleh Bakri, Gemma Arterton, Richard Armitage
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain, Britannique, Français, Allemand
- Distributeur : Bac Films
- Durée : 1h42mn
- Titre original :
- Date de sortie : 30 juin 2021

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Résumé : Après son divorce, Isabelle, généticienne, tente de reprendre sa vie en main. Elle tombe amoureuse et décide de relancer sa carrière. Mais son ex-mari, James a du mal à l’accepter et lui rend la vie dure dans la bataille qu’il mène pour obtenir la garde de leur fille Zoe. Une tragédie les frappe et la famille s’en trouve brisée. Isabelle décide alors de prendre le destin en main.
Critique : On connaît depuis longtemps le cinéma de Julie Delpy qui se plaît à mêler autobiographie et fiction dans un univers multiculturel. La réalisatrice revient cette fois à Londres où elle incarne une docteure en immunologie, très brillante, séparée du père de sa fille. Elle évolue dans un milieu aisé, sans histoire, sinon qu’on perçoit très vite qu’elle est l’enjeu d’un conflit majeur entre son ex-compagnon, James, quant à l’organisation de la garde partagée de leur fille. En réalité, My Zoé comporte trois récits en un : celui d’une mère étranglée dans une relation toxique avec son ancien mari, celui du drame que subit cette famille recomposée autour de cette petite Zoé et le parcours de la mère pour assumer cette tragédie. La première et la deuxième structure narrative constituent l’intérêt majeur du film. La vision du couple par la réalisatrice est passionnante et intense, montrant une femme a priori émancipée, intelligente, qui ne parvient pas à se défaire de l’emprise terrible de son James. Tout est décrit avec minutie : le processus de culpabilisation, la manipulation psychique qu’elle subit, le déni de sa féminité, ainsi que de son autonomie sociale et affective.
- Electrick Films Tempête sous le crâne UGC Images
Julie Delpy n’a plus à confirmer son incroyable talent de cinéaste. Elle sait jouer avec le rythme, les dialogues sont précis, parfaitement mis en scène. Le regret, peut-être, est d’avoir voulu, à travers son film, mélanger les genres et les situations dramatiques. La metteuse en scène inscrit son histoire dans un contexte hyper-moderne, à la limite du fantastique, où les matériaux informatiques très sophistiqués organisent le quotidien des gens. Il y a un certain cynisme sur la dimension financière dont Julie Delpy ne dit pas s’il s’agit d’une forme d’ironie ou, plus sérieusement, d’une représentation de son propre rapport au matériel. Il est probable que les spectateurs aux moyens limités seront quelquefois choqués par certains répliques ou l’environnement social très aisé dans lequel vivent les personnages. Le coût des voyages, des appartements, des changements de métier ne sont jamais abordés de manière frontale, ce qui laisse un goût un peu amer. Bien sûr, on peut imaginer que cette histoire ne peut pas tourner autour des logiques financières. Pour autant, dans le contexte actuel, cet étalage peut interroger les spectateurs sur la vraisemblance du scénario.
- Electrick Films Tempête sous le crâne UGC Images
L’essentiel du film demeure toutefois la beauté avec laquelle Julie Delpy met en scène la maternité dans toutes ses formes. Le titre My Zoé est très malin, car le long-métrage ne parle pas véritablement de la petite fille. C’est d’abord une variation très sensible sur la façon dont une femme peut exercer sa maternité. L’héroïne est capable de tous les sacrifices, de toutes les patiences, dans le seul intérêt de son enfant, mais aussi au nom du lien si particulier, si unique qui lie un parent avec sa progéniture. La petite fille dans le drame qu’elle subit permet à l’écriture du film de décomposer tous les registres d’une maternité, quand celle-ci est atteinte dans ses fondamentaux. Car cette maternité est mise à l’épreuve par la relation toxique que son ex-mari entretien à son égard. On perçoit, sans coup férir, beaucoup de violences, de perversion, dans la façon dont l’homme tente de faire vaciller la mère et la femme. Or, il se trouve que le vacillement s’opère autour de la petite Zoé.
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Voilà donc un film dont on ne peut raisonnablement penser du mal. La réalisatrice condense en 1h40 beaucoup de tensions, de grâce et d’énergie. Pour autant, cette richesse du scénario constitue aussi sa faiblesse. Peut-être que le film aurait gagné à viser l’épure.