Des hommes en série
Le 30 décembre 2008
Direction d’acteurs précise, caméra exploratrice, le réalisateur géorgien Gela Babluani nous enferme dans le cauchemar d’une société secrète.
- Réalisateur : Gela Babluani
- Acteurs : Aurélien Recoing, Georges Babluani, Augustin Legrand
- Genre : Thriller
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : MK2 Video
– Durée : 1h33mn
– Interdit aux moins de 16 ans
– Le site du film
Direction d’acteurs précise, caméra exploratrice, le réalisateur géorgien Gela Babluani nous enferme dans le cauchemar d’une société secrète.
L’argument : Un jeune homme vivant de petits boulots trouve par hasard les billets de train qui devaient apporter un contrat, et beaucoup d’argent à la clé, à son patron, si celui-ci n’était mort entre-temps d’une overdose. Il s’y rendra à sa place et ne comprendra que peu à peu dans quel engrenage il s’est fourré. Lorsqu’il s’apercevra qu’il est un numéro parmi d’autres, dans un jeu de roulette russe où des hommes parient sur les têtes de leurs joueurs.
Notre avis : Le film est construit en deux parties distinctes. La première, qui nous présente le personnage et la situation, est plutôt classique : elle reprend les thèmes et les tics des polars, jusqu’au noir et blanc utilisé. Si elle est réalisée avec méticulosité, pas de quoi jusque-là repérer ce petit film discret. Et c’est sans doute aussi par opposition à ce retrait apparent que la deuxième partie du film, totalement différente, nous saute au visage. Filmée en huis clos très serré, sa forme même interpelle. Quant au contenu, évidemment... Le spectateur suit les pas du héros et découvre les dessous du mystère en même temps que lui. Les scènes de tuerie programmées nous sont assénées sans ellipses, et chaque fois sous un angle différent (du point de vue de l’organisateur, des joueurs, des parieurs). Tous les éléments sont réunis pour créer le malaise : la crudité dérangeante, l’atmosphère lourde, et le jeu d’acteurs presque trop vrai, notamment celui de Georges Babluani, étonnant dans l’interprétation silencieuse des sentiments humains devant la découverte de la monstruosité à laquelle on le livre et lui-même se livre. Le quasi-burlesque - tant l’horreur, à son point limite, s’approche de l’absurde - ainsi que l’apparente gratuité de la séquence, qui doit occuper un bon tiers du film, glacent le sang.
Mais c’est surtout parce que tout cela n’est pas si absurde, pas si loufoque : au travers de cette micro-société secrète, le réalisateur ne nous montre-t-il pas tout simplement la perversité de notre société actuelle, bien réelle et pas du tout cachée, où des hommes puissants utilisent pour leur bon plaisir d’autres hommes, résignés voire consentants, qui n’ont de cesse de se tirer dans les pattes au lieu de s’allier, et cela pour plaire à leurs "patrons" ? N’est-ce pas tout simplement le jeu du pouvoir qui nous est montré ici ? Alors, nous n’avons pas à être choqués de ce film difficile à regarder en face, sous peine de devoir en tirer les conséquences et cesser de nous regarder nous-mêmes.
Le DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Dans un entretien commun, les deux frères Babluani (Gela le réalisateur et Georges l’acteur principal) reviennent sur cette aventure incroyable qui a mis trois années pour voir le jour, avant de récolter des prix aux festivals de Venise et Sundance. « Je voulais faire un film sur la partie la plus laide de l’homme, sans forcément l’associer à des choses réelles », explique Gela. Je ne voulais pas faire un film sur la guerre ; je n’avais pas envie de parler des gentils et des méchants, il n’y en a pas. J’ai plus envie de parler de l’homme, de son inconscience et de sa cruauté, du destin et de la fatalité. C’est du ressenti de ce qu’il se passe autour. Comment l’homme aujourd’hui, il traite l’autre... ». Avec un naturel confondant, les deux frères se racontent à travers les difficultés rencontrées (Georges a décroché le rôle finalement la veille du premier jour de tournage), le manque de moyens, la lenteur, les récompenses, la suite des événements (un remake aux Etats-Unis)... Un excellent document. Aurélien Recoing, en solo, se penche sur son rôle si particulier (peu de dialogues, peu d’informations), si intense et la préparation qu’il a nécessité. Déception du côté des scènes coupées qui n’apportent pas grand chose à cet édifice déjà solide ; on relève juste que le dénouement aurait pu être encore plus dur, avec une pirouette cynique du destin. Enfin, un dernier module laisse entendre que ce jeu existe bel et bien. Un joueur en effet raconte comment se déroulent ces séances. Il ne s’agit que de pure fiction, beaucoup moins prenante que le film en lui-même.
Image & son : Magnifique noir et blanc qui a bénéficié d’un transfert impeccable. Les contrastes sont purs et l’ambiance particulière du film préservée. La piste Dolby Digital 5.1 achève de vous envelopper dans cette noirceur grâce à une spatialisation des effets sonores très bien gérée.
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Norman06 21 avril 2009
13 Tzameti - la critique
Premier long métrage de fiction d’un jeune réalisateur, 13 Tzameti réussit le pari de concilier cinéma d’auteur et efficacité d’un polar de série. Reste qu’après la découverte du mystère en milieu de film, un suspense quelque peu poussif nuit à la réussite d’une œuvre qui pour être estimable n’est pas pleinement aboutie.
koukol 14 janvier 2012
13 Tzameti - la critique
C’est un film génial, film qu’adorerait surement Polanski ( cul de sac, le locataire ) et Lynch ( ereaserhead ), tant il est "travaillé" du point de vue du scenario et du message ( cela va de pair ). C’est l’un des thrillers les plus originaux et dérangeants que j’aie jamais vu. Tout est parfait : le thème, la photo, le scenario, le casting. De l’IMMENSE cinéma, bravo gela ! quelle leçon de morale ! merci l’ami.