Whity - la critique + le test DVD

Ce mélo-western bourré de citations est un exercice de style un brin formaliste mais on y retrouve bien les thèmes, l’art et la manière du premier Fassbinder.

L’argument :L’Ouest des États-Unis à la fin du XIXe siècle. Whity est le domestique noir des Nicholson, une famille de riches propriétaires terriens. Depuis que Ben Nicholson s’est remarié avec une femme infidèle qui rêve d’héritage, le domaine est le théâtre d’une décadence quotidienne. Le patriarche possède deux fils d’un précédent mariage : l’un est un homosexuel caché et l’autre un attardé mental. À la fois souffre-douleur et confident de la famille, Whity accepte son sort avec une parfaite servilité. Mais Hanna, une prostituée de saloon dont il s’est épris, tente d’attiser en lui une réaction de révolte…

Notre avis : Tourné en avril 1970, c’est à dire tout juste un an après L’amour est plus froid que la mort, Whity est déjà le sixième long-métrage de Fassbinder (ou même le septième si on compte Das Kaffeehaus, captation video d’une production scénique de la pièce de Goldoni La bottega del caffè). Présenté au festival de Berlin en 1971, il ne rencontra guère d’écho critique et ne connut en son temps ni distribution commerciale en salles ni diffusion télé.

Günther Kaufmann et Hanna Schygulla : Whity (1970)

On peut comprendre la perplexité suscitée par cet exercice de style situé dans un univers de pure fiction, jouant avec les codes et les genres cinématographiques sans faire directement référence à l’Allemagne de 1970. Car Whity, mixte de faux western spaghetti et de mélodrame familial, rend très explicitement hommage à Stroheim (Greed / Les rapaces ,Sternberg (Morocco) ou Raoul Walsh ( Band of angels / L’esclave libre) mais aussi au soap opera tout en conservant le ton distancié et volontairement monocorde propre aux productions de l’antitheater.
Rivalisant avec les modèles évoqués, Fassbinder se livre à une véritable démonstration de professionnalisme en calculant au millimètre de superbes mouvements d’appareils et en obtenant du chef opérateur Michael Ballhaus une sublime photo aux couleurs éclatantes. (C’est leur première collaboration. Nombre d’autres suivront.)

Harry Baer - Whity (1970)

Le film est un véritable bonheur pour les yeux et sa lenteur lui confère un caractère hypnotique que la violence froide des relations raciales, sociales, familiales et amoureuses, basées sur un jeu trouble, sans cesse réversible, de domination et de soumission consentie , rend particulièrement vénéneux et fascinant.
Le tout a un côté film expérimental de luxe qui ne manque pas de charme. Günther Kaufmann est filmé comme une icône sexuelle et les membres habituels de la troupe du cinéaste, auxquels s’adjoignent quelques invités tels que l’acteur télé américain Ron Randell, se livrent à des prestations décalées tout à fait réjouissantes (surtout Baer et Lommel en ectoplasmes exsangues agités néanmoins par de grotesques soubresauts de vie).

Ulli Lommel, Katrin Schaake et Günther Kaufmann : Whity (1970)

Les chansons aux orchestrations sophistiquées que Peer Raben a composées pour Hanna Schygula sont totalement improbables dans le contexte mais contribuent à l’envoutante étrangeté de ce curieux film, pièce mineure mais non négligeable de l’oeuvre de Fassbinder.

Le DVD

Whity (1970) - le DVD Carlotta

En même temps que Lili Marleen, Carlotta propose, à partir du 4 avril 2012, une fort bonne édition DVD sans compléments de ce film peu connu de Fassbinder.

Les suppléments
0
C’est simple : il n’y en a pas.

Image

Les couleurs vives de Whity éclatent dans ce master restauré de toute beauté qui restitue admirablement la lumineuse photo de Ballhaus. Le transfert est de bonne qualité et conserve juste ce qu’il faut de granulosité.

Son

Une piste mono propre qui met bien en valeur les voix et la musique de Peer Raben : que demander de plus ?