Bienvenue dans un monde méchant
Le 11 janvier 2012
Le film portrait d’un monde méchant et cruel. Un chef-d’œuvre du cinéma muet.
- Réalisateur : Erich von Stroheim
- Acteurs : Gibson Gowland, Zasu Pitts, Chester Conklin, Jean Hersholt, Dale Fuller
- Genre : Historique, Film muet
- Nationalité : Américain
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– Durée : 1h40mn
– Titre original : Greed
Greed, chef-d’œuvre du cinéma muet, est le film-portrait d’un monde méchant et cruel. Et une œuvre entre tragique et réalisme au ton très singulier.
L’argument : Californie, début du XXe siècle. Le jeune McTeague, colosse colérique, travaille dans les mines d’or. Sa mère le pousse à suivre un dentiste itinérant afin qu’il apprenne un métier plus rentable. McTeague ouvre bientôt un cabinet de dentiste à San Francisco. Un ami de McTeague, Marcus, lui fait rencontrer une jeune femme, Trina. McTeague fait bientôt à son ami l’aveu des sentiments qu’il éprouve pour la jeune femme. Marcus, grand seigneur, cède sa place à McTeague, et les deux se marient. Mais la jeune épouse est riche d’un magot gagné à la loterie...
Notre avis : Réalisé en 1924, Greed (Les rapaces) était à l’origine un film-fleuve d’une durée de neuf heures. Les studios avaient payé rubis sur l’ongle les conditions de tournage imposées par Erich von Stroheim : presque toutes les scènes sont tournés en extérieurs (dans les rues et les immeubles de San Francisco, sous le soleil de plomb de la Vallée de la Mort), et dans les conditions les plus réalistes possibles - le cinéaste exigeant par exemple sur son plateau les sons les plus proches de la réalité alors que le cinéma était encore muet. Mais la durée du film fut réduite à... neuf, puis sept, puis trois heures, jusqu’aux 100 minutes qui sont aujourd’hui visibles au cinéma Action Ecoles.
Greed est un très beau film dur. Pas poignant pour deux sous, non : juste dur. Cruel et "implacable" comme on dit. Baisers de Judas, coups de poignard dans le dos et ongles cramponnés jusqu’au dernier souffle sur l’or qui mène le monde. Greed est le grand film de la cupidité comme La splendeur des Amberson est le grand film du narcissisme méchant. Dans ce cinéma muet d’un autre temps, on peut admirer l’aplomb du cinéaste qui ose ce qui serait sans doute impossible aujourd’hui - à Hollywood du moins -, il ne se soucie à aucun moment d’opposer le bien et le mal. Le premier est inutile, et le deuxième bien plus passionnant et expressif. Tous les personnages sont peu à peu livrés à la cruauté de leurs instincts, cruauté en partie dictée par une société pas très amène avec ses créatures - toutes faibles et vachardes. Foin de l’amour, du mariage et de l’ambition tellement américaine : les hommes sont veules et alcooliques, les femmes des traîtresses qui préfèrent la misère au partage, l’amitié une vaste blague meurtrière, et le métier une imposture vite dénoncée. Voilà Greed, film-portrait d’un monde méchant.
Les moyens importants dont disposaient Erich von Stroheim pour réaliser ce film somptueux et sombre (souvent drôle aussi) font de Greed un chef d’œuvre intact. Il y a le réalisme des décors, la perfection plastique des images (en particulier celles, magnifiques, d’une fin en forme d’apocalypse caniculaire dans la Vallée de la Mort) et, surtout, la subtilité d’un scénario qui ne cède jamais à la moindre facilité - aucun mélodrame, aucune rémission, juste une force irréfragable de déchéance -, mais racontée avec un luxe de vraisemblance. Le déséquilibre à l’œuvre n’est jamais pathétique dans Greed : il est juste le fruit de très bonnes raisons psychologiques et sociales, dûment racontées à l’écran. Et le reste - les destinées évidemment dramatiques des personnages - appartient au cinéma : entre tragique et réalisme, Greed est en quelque sorte le film qui nous rappelle que la modernité a existé.
Ciné-concert à l’Action-écoles, 23 rue des Ecoles, Paris 5e, les 13 décembre (21h) et 14 décembre (20h30). Accompagnement musical en live par le collectif Inouï.
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