Récital pour un fou
Le 25 août 2023
Pour son premier long métrage Damien Chazelle assujettit son audience avec une véritable décharge émotionnelle bâtie sur la persévérance et l’abnégation autour d’une relation élève/professeur électrisante. Roulement de tambour pour le film indépendant US de l’année 2014. Et un... deux... trois... quatre... Critique !
- Réalisateur : Damien Chazelle
- Acteurs : J.K. Simmons, Miles Teller, Melissa Benoist, Paul Reiser, Austin Stowell, Chris Mulkey
- Genre : Drame, Musical
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h46mn
- Date télé : 26 mai 2022 21:05
- Chaîne : France 4
- Date de sortie : 24 décembre 2014
- Festival : Festival de Cannes 2014, Festival de Deauville 2014
Résumé : Andrew, 19 ans, rêve de devenir l’un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération. Mais la concurrence est rude au conservatoire de Manhattan où il s’entraîne avec acharnement. Il a pour objectif d’intégrer le fleuron des orchestres dirigé par Terence Fletcher, professeur féroce et intraitable. Lorsque celui-ci le repère enfin, Andrew se lance, sous sa direction, dans la quête de l’excellence...
Critique : Pour le jeune réalisateur américain Damien Chazelle qui s’était déjà illustré sur un premier drame musical (Guy and Madeline on a Park Bench en 2009) avant de signer le scénario du très dispensable Le Dernier exorcisme Part II en 2013, la genèse de Whiplash débute dans le chaos. Ce dernier peine en effet à réunir les fonds nécessaires à l’élaboration de ce futur long métrage. Il doit alors se résigner bien malgré lui à adapter son scénario dans un format court. Le fruit de son travail parvient à inclure la sélection 2013 des courts métrages au festival de Sundance où il remporte le prix du jury dans la catégorie "U.S. Dramatic". Un succès qui permettra enfin au cinéaste de financer Whiplash tel qu’il fut imaginé initialement.
- © 2014 Blumhouse Productions, Bold Films, Exile Entertainment, Right of Way Films. Tous droits réservés.
Tourné en seulement dix-neuf jours, le long revient à Sundance l’année suivante pour intégrer la sélection du cru 2014. C’est la consécration (il remporte les prestigieux Grand Prix du jury et Prix du public de la sélection "US Dramatic"). Quelques mois plus tard, son passage à la Quinzaine des Réalisateurs du festival de Cannes 2014 est remarqué comme il se doit en suscitant les ovations lors de chacune de ses projections. Pour encore asseoir un peu plus sa notoriété, le film se voit décerner le Grand Prix et le Prix du Public au 40e Festival du cinéma américain de Deauville présidé par le réalisateur Costa-Gavras en septembre dernier. Dans un infime laps de temps d’à peine deux ans, le statut de Whiplash vient tout simplement de passer de court métrage à celui de nouvelle sensation du film américain indépendant.
- © 2014 Blumhouse Productions, Bold Films, Exile Entertainment, Right of Way Films. Tous droits réservés.
Une victoire pour un cinéaste pétri de talent qui laisse éclater au grand jour toute la puissance de sa mise en scène en choisissant de caractériser intensément la relation entre Andrew, un jeune batteur de jazz (Miles Teller), et son professeur, Mr Fletcher (J.K. Simmons), un mentor amoral en proie à d’incontrôlables excès de colère. La dynamique relationnelle qui s’installe entre les deux personnages s’avère impressionnante, réglée comme un métronome et battant la mesure à vive allure. Andrew, en première année au conservatoire de musique de Manhattan, rêve d’intégrer l’orchestre de l’intraitable Mr Fletcher, réputé comme le meilleur de l’établissement. Lors d’une séance de répétition en solo, le professeur remarque le jazzman et décide de lui donner sa chance. Dès son arrivée dans le cours, Andrew doit très vite se plier aux sollicitations de perfectionnisme vachard de l’enseignant. L’apprentissage est quasi militaire (certains sont même allés jusqu’à comparer le personnage avec le sergent instructeur Hartman de Full Metal Jacket, ce qui est plutôt une bonne analogie), fait de rabaissements, d’insultes gratinées et de violents coups de gueule. Fletcher hermétique à toute forme de compassion n’est pas un tendre, incorporer son orchestre renommé est une chose qui se mérite.
Andrew est contraint de batailler ferme et de donner le maximum pour prouver qu’il est à la hauteur face à la mise en concurrence avec des musiciens aux baguettes bien aiguisées. Pour toucher son rêve de devenir un jour un grand jazzman, Andrew fait montre d’abnégation (il va jusqu’à mettre de côté les débuts d’une relation amoureuse sincère) pour se lancer dans une quête d’excellence dont l’enseignant ne cesse de repousser les limites, poussant le jeune homme jusque dans ses derniers retranchements, parfois même jusqu’au point de rupture (le moment où Andrew veut tenir à tout prix sa place même après un accident de la route ou encore la scène de la recherche d’un tempo insaisissable pour les batteurs qui se termine avec des mains ensanglantées et des organismes essorés, à bout de force, sont aussi éprouvantes qu’admirables).
- © 2014 Blumhouse Productions, Bold Films, Exile Entertainment, Right of Way Films. Tous droits réservés.
Le duo formé par Miles Teller (Andrew) et J.K. Simmons (tout bonnement fantastique dans un rôle lui seyant à ravir) fonctionne à merveille, passant de la relation de respect d’un élève envers son professeur jusqu’à une authentique confrontation prenant tout son sens dans un climax de fin électrisant à couper le souffle (c’est tellement prenant que les images continuent de se bousculer dans nos têtes à l’apparition du générique). Fletcher gagne alors à passer pour un personnage bien plus complexe qu’il ne le laissait paraître au départ (on découvre qu’il y a pour lui un vrai but derrière cette quête de perfection).
L’implication de Miles Teller dans le rôle est épatante puisque c’est lui qui a assuré pas moins de 70% des prestations musicales derrières les fûts (il est lui-même batteur depuis l’âge de 15 ans et a pris part à des cours intensifs pour les besoins des morceaux de jazz ultra techniques du film). L’osmose entre lui et son instrument est parfaite, sublimée par la réalisation sensorielle de Damien Chazelle qui, en bon chef d’orchestre, capte de manière irréprochable le stress et la pression subis par Andrew dans le cloisonnement d’une salle de cours à l’atmosphère opprimante et irrespirable, privée de toute source de lumière naturelle. Le souci du détail (plans serrés sur certaines parties du visage pour accentuer la puissance émotionnelle), l’esthétisation des instruments (gros plans sur les baguettes qui frappent les peaux ou sur des cymbales perlées de sueur et de sang) et le montage tonique, toujours dans le bon tempo, remportent eux aussi tous les suffrages.
Au final Damien Chazelle rend une partition émotionnellement riche et sans fausse note. De cette étonnante confrontation émane une ode à la persévérance couronnée en apothéose sur un récital estomaquant. Whiplash se montre donc copieusement à la hauteur de son excellente réputation et il se classe parmi l’élite des films indépendants de l’année 2014. Un pur moment de cinéma bien trop rare pour ne pas y foncer tête baissée.
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Marla 25 décembre 2014
Whiplash - Damien Chazelle - critique
Le film est magnifique, et la référence à Full Metal Jacket, en effet, n’est pas volée : http://marlasmovies.blogspot.fr/2014/12/whiplash-full-metal-jazz.html