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Le 1er juin 2005


Disparue l’an dernier, la légende des lettres américaines avait prédit, dans ce roman tout juste traduit en France, les tourmentes récentes d’une Amérique en proie à ses démons.
Procureur littéraire de la société américaine et de ses vices de fond comme de forme, Hubert Selby Jr était surtout un grand écrivain qui extirpait les tripes humaines et leur lot de dégueulasseries pour les transformer en mots et les étaler en pleine page. La traduction française de son dernier roman était attendue de pied ferme par ses afficionados, d’autant que l’homme devait venir faire un tour par chez nous à l’occasion de la promotion de Waiting period. Mais, ultime pirouette de l’ennemi de l’Amérique puritaine, Selby a effectué sa dernière sortie l’an dernier, peu avant les présidentielles américaines, comme si l’homme se doutait du résultat et préférait prendre définitivement la poudre d’escampette.
Selby ne se contentait en effet pas d’être un grand écrivain ; il avait aussi un don pour analyser les turpitudes de l’Amérique et en prédire les ultimes aléas. En témoigne ce roman posthume qui rappelle drôlement cette affaire d’anthrax développée en pleine période de psychose collective en matière d’insécurité.
Un beau jour, le narrateur de Waiting period, en proie à un profond mal-être, choisit d’en finir définitivement en achetant une arme. Un bug informatique chez l’armurier l’oblige à reporter de quelques jours l’acte final. Un désagrément moderne qui conduit le suicidaire à changer son fusil d’épaule. Pourquoi se tuer alors que les pourritures mènent la belle vie ? Le vétéran dépressif se fait nettoyeur et empoisonne avec du E. Coli un fonctionnaire gérant les pensions des anciens combattants. Un premier succès qui l’amène très vite à récidiver...
Waiting period n’est pas le meilleur ouvrage de Selby, loin s’en faut, bien que ce narrateur nettoyeur renoue avec la longue tradition des héros selbyens en proie à leurs démons, à commencer par celui de La geôle. Mais ce texte semble avoir été écrit d’un seul trait, sans que l’auteur n’ait repris sa respiration, de peur de la perdre définitivement, et les réflexions crépusculaires de son héros crépitent telles des rafales de balle, comme pour mieux clouer au mur un dernier message, un testament sur l’Amérique et les démons qui la tenaillent.
Hubert Selby Jr, Waiting period (Waiting period, traduit de l’anglais par Claro), Flammarion, coll. "Pop Culture", 2005, 249 pages, 18 €