La vie des morts
Le 5 avril 2016
Almodóvar conte fleurette à la mort et signe un beau film furieux.
- Réalisateur : Pedro Almodóvar
- Acteurs : Penélope Cruz, Carmen Maura, Lola Dueñas , Yoana Cobo, Blanca Portillo, Chus Lampreave, Antonio de la Torre
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Pathé Distribution
- Editeur vidéo : Fox Pathé Europa
- Durée : 2h01mn
- Date télé : 31 juillet 2024 21:00
- Chaîne : téva
- Reprise: 19 juin 2019
- Date de sortie : 17 mai 2006
- Festival : Festival de Cannes 2006, Sélection officielle Cannes 2006
Résumé : Madrid et les quartiers effervescents de la classe ouvrière, où les immigrés des différentes provinces espagnoles partagent leurs rêves, leur vie et leur fortune avec une multitude d’ethnies étrangères. Au sein de cette trame sociale, trois générations de femmes survivent au vent, au feu, et même à la mort, grâce à leur bonté, à leur audace et à une vitalité sans limites.
Critique : Raimunda est une belle femme généreuse qui vit dans un village de La Mancha (région espagnole) où l’on dénombre "un taux record de folie par habitant". Ayant perdu ses parents dans un incendie, ce clone de Sophia Loren se lève continuellement pour reprendre sa route, assumant avec force les coups répétés des travers de la vie. Autour d’elle, sa sœur cadette, Sole, un tantinet nunuche, au regard fuyant ; son unique fille Paula qui traverse avec beaucoup d’amertume l’âge ingrat de l’adolescence et sa voisine Augustina, cancéreuse qui vit avec le souvenir d’une mère disparue. N’oublions pas que nous sommes dans un film de Pedro Almodóvar et donc tout va changer...
Le dernier opus du cinéaste aujourd’hui quinquagénaire s’intitule Volver (revenir en espagnol), tout simplement. On y retrouve les influences des mélodrames hollywoodiens de l’après-guerre (Georges Cukor avec Femmes ou Michael Curtiz et son Roman de Mildred Pierce), mais aussi la présence de Carmen Maura, première égérie de ce cinéaste atypique. Certains diront qu’Almodóvar aime à se répéter. Ils ont la mémoire courte : Hawks a bien réutilisé à trois reprises le canevas de Rio Bravo (avec El Dorado et Rio Lobo) ; quant à Hitchcock, il s’est toujours amusé à filmer un homme accusé à tort d’un acte crapuleux qu’il n’avait pas commis (Les 39 marches, La mort aux trousses, Frenzy...).
Volver est un film principalement centré sur la mort, étape obligatoire que tout être humain doit franchir une fois dans sa vie. Almodóvar contourne cette évidence et finit par nous emmener dans une histoire quasi surréaliste où l’on apprend que les morts ne sont pas véritablement morts et que les vivants sont devenus des zombies.
Le récit dans Volver n’est pas là pour nous faire sourire. Il est tordu, froid et constamment violent. Tous les personnages du film se mordent les doigts faute de ne pouvoir contrôler la sempiternelle malchance de la vie. Ils essaient de trouver des solutions mais la toile dans laquelle Almodóvar les emprisonne ne leur donne aucun espoir. Le retour de cette mère prétendue décédée redonnera un nouveau souffle et de nouvelles convictions.
Il faut avoir un sacré talent scénaristique pour enchaîner d’une étude de mœurs des plus banales sur un drame surréaliste. Cette aberration dans le récit fonctionne car l’auteur ne glisse pas dans le fantastique. Il veut à tout prix que l’on devienne une sorte de promeneur solitaire se baladant dans des rêveries alléchantes. Le suspense n’est pas loin et l’on devine aisément qu’il y a anguille sous roche. Bénéfice du doute ? Almodóvar construit tout son scénario sur cette hypothèse abracadabrante : et si la mère de Raimunda était encore vivante ? A ce moment-là, Volver prend une tournure foudroyante.
Film immensément humain qui donne lieu à des séquences remplies de grâce : notamment celle où Penélope Cruz, en larmes, interprète une chanson que sa mère lui a apprise ou bien dans la séquence d’ouverture qui nous montre par un léger travelling latéral une rangée de veuves nettoyant les pierres tombales de leurs maris ou de leurs parents. Tout Volver se trouve dans ce geste digne : nettoyer la saleté qui pourrit la vie de chacun pour redonner de l’espoir.
La femme chez ce cinéaste a toujours été le centre du monde. Ses excès, ses doutes, ses envies et ses tristesses. Almodóvar les filme telle une parabole sur un monde qui ne tourne pas rond. L’auteur de Talons aiguilles s’est toujours souvenu de sa mère, ce visage de résistante à fleur de peau qui galvanisait volonté et rigueur. Deux exigences intellectuelles qu’il appliquera toute sa vie.
Le DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Malheureusement, peu de bonus viennent éclairer ce chef-d’œuvre signé Almodóvar. Seuls un commentaire audio assuré par le réalisateur et Penélope Cruz, ainsi qu’une interview, nous sont livrés en pâture. On ne s’attardera pas longtemps sur les premiers, soporifiques au possible et parfaitement inintéressants. Malgré sa volubilité légendaire, le réalisateur espagnol tourne en rond, tandis que son actrice semble tranquillement roupiller. Plus captivant, un long entretien (26 minutes) nous laisse pénétrer un tant soit peu l’univers d’Almodóvar. Ce dernier, qui semble avoir plongé juste la tête dans un tonneau de fond de teint, répond sans détours aux questions de Laurent Weil (superficiel à souhait). Extraits en vrac : "Pour ce film, l’idée originale remonte à six ou sept ans. En général, quand j’ai une idée, je prends des notes pendant des années, et c’est comme si les histoires étaient vivantes en moi, il arrive un moment où je dispose d’une telle quantité d’informations qu’il faut que je les transforme en scénario. L’idée de Volver illustre bien l’origine mystérieuse de la trame des films, des histoires, des romans. [...] Penélope est une actrice qui a besoin de temps pour démarrer. Pour ce film, elle est arrivée trois mois avant le début du tournage et pendant ces trois mois, on a répété tous les jours. Carmen, au contraire, peut-être parce que je la connais mieux, a un autre type de technique. Elle a besoin, surtout au début, non seulement qu’on lui explique son personnage, mais aussi qu’on lui dise comment elle sera habillée, coiffée, maquillée, comment elle sera physiquement. Une fois qu’elle s’imagine dans la peau du personnage, on peut tourner avec elle tout de suite."
Image & son : Excellente édition qui bénéficie d’une superbe définition - un véritable arc-en-ciel de couleurs pimpantes à vous rendre aveugle. Concernant la piste audio, on ne saurait trop vous recommander le film dans sa version originale, afin de savourer le vrai travail des actrices et un mixage aux petits oignons.
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puremorning 6 août 2006
Volver - Pedro Almodóvar - critique
staircase
Le scénario a de quoi faire frémir : femme courage de Madrid, Raimunda/Penélope Cruz rend visite à sa tante, esseulée et sénile, dans un village reculé, avec sa sœur, Sole/ Lola Duenas et sa fille Paula/ Yohana Cobo. Les affaires de famille, enfouies il y a trois et demi dans un mystérieux incendie vont ressurgir avec la mort de la tante, l’apparition du spectre de la mère disparue, le meurtre par légitime défense du mari incestueux...
Il fallait la maestria d’un grand cinéaste pour mettre de l’odre dans ce joyeux embrouillamini. Heureusement, Almodovar est de cette trempe-là. Oscillant entre drame et comédie, entre sordide et gaudriol (la fameuse scène du pet), Almodovar joue des extrêmes avec subtilité. Là où le réalisateur lambda se serait perdu dans des tours et détours, le maître espagnol déroule son univers unique, fait de couleurs vives (ah ce rouge omniprésent !), de formes généreuses (ah les plongées sur le décolleté de Penélope Cruz !), de petites névroses et de grandes psychoses qui font les traumatismes d’une vie, de « wonderwomen » omniprésentes, avec leurs secrets, leur courage et leur générosité...
Ces « wonderwomen » sont sublimées par des actrices en état de grâce. Chacune dans leur registre, Penélope Cruz en matronne envahissante et attachante, Lola Duenas en Petit Chose renfrognée, Carmen Maura en revenante espiègle, habitent leurs rôles d’une présence magique, voire spectrale pour Carmen Maura.
La photographie, sublime, enrobe le meilleur film d’Almodovar (parmi une filmographie pourtant déjà impressionnante) d’un supplément de sublime dans un océan de beauté(s).
alinea 26 février 2007
Volver - Pedro Almodóvar - critique
On retrouve l’univers bien défini (même si compliqué) d’Almodovar au milieu de "ses femmes". L’histoire est plus qu’improbable et la mise en scène particulière sauve le film. Pas de révélations extraordinaires, Pédro tourne en rond...
Norman06 22 avril 2009
Volver - Pedro Almodóvar - critique
Encore un chef-d’œuvre pour Almodovar avec ce récit magnifique qui synthétise tous ses films précédents. Drôle, touchant, et magnifiquement joué.