Up in flames

Qui aurait pu croire, à l’écoute de Start Breaking My Heart (2001), album à l’electronica mélanco-bucolique et premier essai de Dan Snaith sous le pseudo Manitoba, que ce jeune homme était capable d’engendrer un disque aussi riche et dense que Up In Flames ? Qui aurait pu déceler dans ces petites vignettes warpiennes un talent de songwriter-bricoleur que Dan Snaith n’hésite heureusement plus à assumer aujourd’hui ? Eh bien à vrai dire, tous ceux qui sont parvenus à suivre l’impressionnante évolution du jeune Canadien à travers la poignée de maxis parus entre les deux albums.

Car le virage fut aussi rapide qu’imprévisible. En effet, six mois simplement après la sortie de Start Breaking My Heart nous parvenait Give’R, maxi calibré pour les dancefloors extra-terrestres, sorte de two-step à la sauce Squarepusher. Début 2003, le jeune Canadien récidivait avec If Asses Could Fly This Place Would Be An Airport, autre salve de dance music mutante qui, outre son incontestable faculté à faire danser de travers, récoltait déjà la palme du titre le plus drôle de l’année (Si les cons pouvaient voler, cet endroit serait un aéroport). Mais Dan Snaith avait prévenu à l’époque que ces deux disques n’auraient rien à voir avec son album à venir. Effectivement.

Up In Flames est une bombe artisanale psychédélique, un fouillis organique et plus ou moins organisé regorgeant d’humour, de références et de trouvailles sonores. Son charme réside dans cette manière particulièrement inspirée de bricoler des univers sonores délirants autour de réelles chansons. Puisant allègrement dans les harmonies sixties et les volutes seventies, Dan Snaith confesse ainsi une envie démesurée : réorganiser l’histoire de la pop music sur un ordinateur portable, à la sauce Manitoba. Ainsi, il greffe des voix byrdsiennes sur le breakbeat poisseux de Hendrix With Ko ; il nourrit un Bijoux déjà familier de glockenspiels, flûtes et choeurs aériens croisés chez Spiritualized et Mercury Rev ; il marie de force les guitares des Byrds et le batteur fou du Muppet Show sur Twins ; il fait se télescoper les Beach Boys et Joy Division en plein Squarepusher Avenue sur le kaleïdoscopique single Jacknuggeted, sommet du disque.

Fouiouiouille... Un peu indigeste tout cela, me direz-vous ? Que nenni. Car Up In Flames regorge également de moments apaisés et bucoliques où coassent des grenouilles et gazouillent des oiseaux, permettant ainsi à l’auditeur éberlué et hagard de respirer quelque peu, se demandant déjà, perplexe, à quelle prochaine sauce le Grand Manie-Tout le mangera...