Il y a des livres qui résonnent d’histoires reprises d’un roman à un autre, qui tendent des perches au lecteur et s’amusent à le renvoyer vers le comparse oublié dans un rayon de bibliothèque qui lui-même souriant, le ramènera à la dernière page vers son nouveau congénère.
Anne Bragance nous offre un très joli jeu de piste avec son dernier ouvrage Une enfance marocaine dont la sortie s’accompagne d’une réédition de son roman Les soleils rajeunis.

Le premier est un patchwork d’impressions, de sensations et d’émotions qui se succèdent sans apparente logique avec pour seule ambition de capter les images fugitives d’une enfance lointaine en creusant la mémoire pour en extirper les souvenirs. S’en échappent un vol de sauterelles, une odeur savoureuse de brioche pascale, des boutons colorés qui font office de jouets et la lumière de Casablanca qui réchauffa les jeunes années de l’auteur.
Les êtres aimés de son enfance défilent au fil des pages dont cette grand-mère analphabète à qui la narratrice fait découvrir les mystères des mots afin de lui faire partager l’amour des livres.

La même grand-mère est l’héroïne principale des Soleils rajeunis, cette Mita altière et néanmoins débordante d’amour pour sa petite-fille Blanche. L’évocation de leur complicité merveilleuse fait bien sûr écho aux histoires que raconte Anne Bragance, à son tour grand-mère, dans Une enfance marocaine. La brioche pascale y est toujours aussi odorante, l’affection d’une grand-mère aussi émouvante et les mots sont tout autant maniés avec précaution et goût pour capturer "le dernier pétale de la fleur d’enfance".