Demy désenchanté
Le 27 janvier 2024
Le dernier chef-d’œuvre de Jacques Demy est l’envers noir des films chantés qui ont fait son succès. Un film sombre à redécouvrir en salle le 9 octobre en version restaurée.
- Réalisateur : Jacques Demy
- Acteurs : Michel Piccoli, Danielle Darrieux, Jean-François Stévenin, Richard Berry, Dominique Sanda, Fabienne Guyon, Anna Gaylor, Jean-Louis Rolland, Marie-France Roussel, Georges Blaness, Nicolas Hossein
- Genre : Drame, Romance, Comédie musicale, Musical
- Nationalité : Français
- Distributeur : UGC Distribution
- Durée : 1h32mn
- Reprise: 9 octobre 2013
- Date de sortie : 27 octobre 1982
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Critique : Une chambre en ville est un film noir. Noir, car il s’agit d’un projet longtemps muri et avorté. Demy le porte depuis de nombreuses années en le nourrissant de ses souvenirs d’enfance et des luttes du Front populaire vécues par son père. Mais devant les refus de Catherine Deneuve et Gérard Depardieu de se laisser doubler pour les parties chantées, Demy renonce à ces stars et tourne le film avec Richard Berry, Dominique Sanda et surtout sans la musique de Michel Legrand, son fidèle compositeur remplacé par Michel Colombier. Ainsi Demy glisse du musical à l’opéra, avec son outrance du jeu, sa musique ample, omniprésente et sa fin tragique.
- © 1982 TF1 Films Production. Tous droits réservés.
C’est un film noir, parce qu’il y montre l’amour perdu d’avance entre ouvrier et une bourgeoise. De retour à Nantes, Demy filme l’envers de son premier long métrage Lola, vingt ans ans après, sans espoir, sans issue. Un ouvrier ne peut trouver le bonheur en dehors de sa propre classe sociale. Au cœur des deux films, Nantes et son fameux passage Pommeray : s’il est inondé de lumière et peuplé de passants dans Lola, on le retrouve ici désert, nocturne et inquiétant. Entre les deux films, Nantes est devenue une prison d’où aucun personnage ne sortira. Pour la première fois chez Demy, la mort est la seule issue.
- © 1982 TF1 Films Production. Tous droits réservés.
C’est un film noir, car une chambre en ville fut un échec commercial cinglant pour son auteur et la source d’une polémique stérile qui rendit ce film invisible pendant de nombreuses années. Sorti la même semaine que l’as des as de Gérard Oury, avec Jean-Paul Belmondo, comédie légère et dynamique sur fond de Seconde Guerre mondiale, une chambre en ville avait peu de chance d’attirer les spectateurs. Des critiques et amis achetèrent une page du journal le Monde afin de le soutenir. Ce fut le point de départ d’une confrontation en règle par journaux interposés entre défenseurs de "films d’auteurs" et "films populaires". Un procès en règle dont une chambre en ville fit les frais.
- © 1982 TF1 Films Production. Tous droits réservés.
Pourtant, le film est un projet audacieux. Autant que cette troupe de CRS, prête à mater les manifestants, qui se met à chanter. Des policiers qui chantent. A-t-on déjà vu cela dans le cinéma français ? Une chambre en ville est un film musical très français, ancré dans une réalité sociale et historique, sans aucune fioriture hollywoodienne. Dès le générique, le ton nostalgique est souligné par le piano triste de Colombier résonnant sur le port de Nantes et son pont transbordeur déjà disparu lorsque le film est tourné.
- © 1982 TF1 Films Production. Tous droits réservés.
Noir, enfin, car il marque la rupture entre le réalisateur et son public. Les temps et le cinéma ont changé. Après l’insuccès du film, Demy, blessé, entamera une longue traversée du désert. Ni Parking en 1985 (le navet de sa carrière) ni Trois places pour le 26 en 1988 ne rencontreront l’estime du public. Une chambre en ville reste son dernier chef-d’œuvre. Le testament artistique d’une carrière unique en France.
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