Le 7 mars 2007
Sida n’a jamais vraiment rimé avec cinéma. Par désintérêt ou par timidité ? Les témoins de Téchiné remet les pendules à l’heure...
Sida n’a jamais vraiment rimé avec cinéma. Par désintérêt ou par timidité ? Les témoins de Téchiné remet les pendules à l’heure...
Sida et cinéma. La lutte des stars contre la maladie dans diverses associations s’est vite organisée alors que dans le milieu artistique les malades tombaient comme des mouches, y compris parmi les étoiles dites intouchables du 7e art. On ne compte plus les spectacles "en si" ou les dîners de charité, à Cannes ou ailleurs, avec ou sans Elizabeth Taylor et Sharon Stone qui sont venues responsabiliser les uns et les autres avec paillettes et "glamort".
Curieusement, les cinéastes, eux, se sont montrés assez peu enclins à aborder de manière frontale ce drame humain. Si en 1986 "A.I.D.S.", trop jeune pour mourir, un navet allemand, osait de manière opportuniste traiter du sujet, il aura fallu attendre 1990 et Un compagnon de longue date pour que le sida soit enfin montré de manière digne et émouvante. Sans tomber dans le mélo, cette production gay indépendante revenait sur les origines du mal et la découverte du fameux cancer des homosexuels au tout début des années 80, dans une communauté ravagée et désorientée qui se cherchait un avenir alors que le présent n’était que ténèbres d’ignorance et de mort. La France à la traîne ne s’est dotée d’un puissant brûlot sur la séropositivité qu’en 1992 avec Les nuits fauves, cri désespéré d’une génération "no future" dont s’était fait l’écho un Cyril Collard au discours peu consensuel et nihiliste qui lui avait quand même valu le César du meilleur film peu avant sa mort. De l’autodestruction encore dans N’oublie pas que tu vas mourir de Xavier Beauvois, seulement son ton de rébellion caricatural diminuait un peu plus la dignité des malades, qui méritaient plus d’espoir que ce genre de tracas névrotiques.
Par la suite, entre timidité et malaise, les séropos ont traversé le cinéma via des seconds rôles sans relief ou furtifs (le meilleur pote contaminé étant une figure récurrente de l’époque). Le grotesque menaçait. Et si Chéreau et Ozon ont abordé la déchéance physique et morale de l’être malade, ils lui donnent dans Son frère et Le temps qui reste un autre nom que sida. Comme par pudeur et par respect pour les souffrants, ou comme s’ils n’étaient pas prêts à porter le lourd poids de la référence dans un genre qui encore aujourd’hui met mal à l’aise en dépit de l’avancée des trithérapies. Comme si la mauvaise conscience occidentale face aux ravages du fléau en Afrique empêchait nos sociétés d’assumer nos responsabilités.
Bien sûr, quelques œuvres ont su présenter un autre discours sur l’horrible maladie. Jeanne et le garçon formidable ou Quand je serai star ont tous deux fait preuve d’une fraîcheur surprenante sans pour autant rencontrer les faveurs du grand public. Le militantisme de l’un et le refus de dramatiser de l’autre était de toute façon tout aussi déstabilisants pour le grand public.
Aussi, il aura fallu attendre 2007 et tout le talent de Téchiné pour découvrir l’œuvre française la plus essentielle sur le thème du sida. Bouleversant retour sur la société nonchalante des années 80 bousculée par l’horrible vérité d’un virus naissant, contaminant et assassinant, ses Témoins constitue la bonne raison d’aller au cinéma cette semaine. Le sida y est dépeint avec vie et espoir sans pour autant fermer les yeux sur l’âpreté viscérale du corps meurtri dans sa chair juvénile. Alors que les comportements à risque persistent chez les jeunes et les gays, ce témoignage d’une autre époque, que l’on aimerait être close, se doit d’être vu et digéré par la jeunesse pour qu’elle comprenne que dans la vie rien n’est acquis et que l’Histoire n’est qu’éternel combat, une lutte qu’il faut alimenter dans les arts d’un minimum de réflexion, de militantisme et d’émotion. Mission accomplie avec Les témoins. Un grand merci à M. Téchiné.
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