Le 18 décembre 2020
Fébrile et inclassable, ce roman instable crée autour de la silhouette frêle de Niki de Saint Phalle, lui rend un hommage tout en rimes et en couleurs de mosaïques gaudíennes.


- Auteur : Caroline Deyns
- Editeur : Quidam éditeur
- Genre : Biographie, Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 21 août 2020
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur

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Résumé : « Je montrerai tout. Mon cœur, mes émotions. Vert - rouge - jaune - bleu - violet. Haine -amour - rire - peur - tendresse. » Niki hait l’arête, la ligne droite, la symétrie. A l’inverse, l’ondulation, la courbe, le rond ont le pouvoir de déliter la moindre de ses tensions. Délayer les amertumes, délier les pliures : un langage architectural qui parlerait la langue des berceuses. Aussi vit-elle sa visite au parc Güell comme une véritable épiphanie. Tout ici la transporte, des vagues pierrées à leur miroitement singulier. {Trencadis } est le mot qu’elle retient : une mosaïque d’éclats de céramique et de verre. De la vieille vaisselle cassée recyclée pour faire simple. Si je comprends bien, se dit-elle, le trencadis est un cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. Concasser l’unique pour épanouir le composite. Broyer le figé pour enfanter le mouvement. Briser le quotidien pour inventer le féérique. Elle rit : ce devrait être presque un art de vie, non ?
Critique : Ce vibrant hommage à Niki de Saint Phalle, femme forte et fragile, femme-enfant fébrile, mais forte tête, suit les ondulations des courbes gaudíennes, la rondeur des Nanas de Niki, éclate en milliers de couleurs pimpantes et acidulées, vives et inconnues de l’œil.
Innovant, intelligent, Trencadis se construit comme une mosaïque, brise puis crée, sélectionne des fragments de vie pour chanter une ode. Presque misandre parfois, féministe toujours, ce roman biographique serpente, se joue des codes, de la blancheur du papier, des polices de caractère, insère cris d’enfants, jeux de langue, énormes vers en gras et blanc autour, exclamations furieuses, mots doux, monologue intérieur et puis répliques venues d’ailleurs. Jamais monotone, toujours novateur et surprenant, le livre semble doué d’une volonté propre, mu(t)e entre les mains du lecteur. Les phrases riment entre elles et en elles-mêmes, les échos éclatent tout comme les bulles de mots et les cartes de tarot, lancés sur la page comme autant d’éléments pour construire un portrait en patchwork de celle qui fit naître des sculptures pleines et osées, affirmant la féminité comme essence même de la vie.
Les phrases, jolies, tournent la langue, mâchent les sons et les recrachent en brisures cohérentes et liées, amalgamées par l’envie de faire découvrir celle que fut cette plasticienne hors du commun. Pétillante, secrète derrière ses allures de vamp américaine sûre d’elle, fêlée par les abus de son père, les gifles de sa mère, mais vivante, parce que la mort ne veut pas d’elle et la renvoie danser avec sa faux , parmi les silhouettes enflées qui naissent de sa main et de sa sensibilité jalouse de femme trompée, libre malgré tout – même si liberté ne veut pas dire absence de culpabilité.
Caroline Deyns - Trencadis
Quidam éditeur
364 pages
140 x 210mm
22€