Cinnamon Girl
Le 23 mai 2017
Clairvoyants, cruels, drôles, glaçants... les deux premiers épisodes de la saison 2 de Top of the Lake réunissent toutes les fulgurances des débuts. Campion change le décor, mais poursuit les jeux de domination en mathématicienne. Superbe et virtuose.
- Réalisateur : Jane Campion
- Acteurs : Elisabeth Moss, Gwendoline Christie
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Britannique, Australien
- Festival : Festival de Cannes 2017
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Résumé : Quatre ans plus tard, la détective Robin Griffin enquête sur la mort d’une mystérieuse femme asiatique, retrouvée sur une plage de Sydney.
Notre avis : Quatre années ont passé depuis l’enquête de la détective Robin Griffith sur les traces de la jeune Tui, entre le baron de la drogue Matt Mitcham et G.J., une gourou opérant dans un camp pour femmes. De retour à son poste d’enquêtrice à Sydney, Robin passe du fameux lac cerné par les montagnes à une cité tentaculaire sur les rives de la mer de Tasman. Aux sommets enneigés vertigineux, font écho les gratte-ciel. Au lac matriciel répond une étendue d’eau infinie. Comme dans la première saison, le paysage ne sert pas seulement à créer une atmosphère mais renvoie surtout au désordre psychologique de l’héroïne. Plus torturée que jamais, celle-ci compose avec un mariage tombé à l’eau, et appréhende la rencontre avec sa fille née d’un viol. Pourtant, l’élément central de Top of the Lake reste le même : la domination masculine et la violence vécue par les femmes au quotidien. Que le décor se transforme pour mieux allégoriser les traumatismes de Robin est une chose, mais le revirement donne avant tout la possibilité à Campion d’explorer toute une nouvelle palette de modalités de la claustration mentale et/ou physique au féminin. Entre d’une part le poste de police peuplé par des hommes résolument misogynes ou feignant de l’être par autodérision pour brouiller les pistes, de l’autre la maison close où les femmes peuvent paradoxalement s’entraider et se comprendre, la liberté ne s’illustre pas toujours comme on l’attend. Façon pour la réalisatrice de rappeler que l’exercice de la domination agit en sourdine surtout à travers nos rituels du quotidien. Banalité du mal, évidemment.
L’autre versant qui occupait déjà une place prépondérante dans la première saison de Top of the Lake, c’est la fascination pour les freaks et personnages de marginaux. En plus d’un nouveau gourou stupéfiant - fasciné par le féminisme mais ayant paradoxalement écrit une thèse intitulée « Le Destin de l’homme » - s’apprêtant à épouser la fille de Robin, Jane Campion multiplie les personnages singuliers : un médecin légiste néo-hippie et homosexuel, un couple de parents étranges et inconciliables, une bande de geeks sexistes et donnant des notes aux prostituées comme sur Airbnb, ou encore un sergent de police titanesque interprété par Gwendoline Christie (Brienne de Torth de Game of Thrones). La complexité de ce que l’on pourrait nommer grossièrement la distribution de la morale dans Top of the Lake, à la manière de ce que l’on peut voir notamment chez les frères Wachowski, force le respect. Échappant à la plupart des archétypes classiques, la série prélève davantage dans une contre-culture. Où toutes les vieilles antiennes sur la lutte des classes, la domination masculine ou encore la frontière entre le bien et le mal, sont déconstruites avec minutie.
Bien que la trajectoire de Robin donne le ton général de l’intrigue, une enquête sur le corps sans vie d’une femme - Cinnamon - découverte dans une valise échouée sur une plage de Sydney amorce un nouveau réseau de possibilités. Cette valise d’abord jetée depuis une falaise, puis filmée sous l’eau comme une boîte de Pandore ou quelque motif énigmatique à la Lost, dynamite la structure et distille une tension typique du récit sériel métaphysique. Excellente amorce que ces deux premiers épisodes de la saison 2 de Top of the Lake.
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