Poésie au féminin
Le 12 décembre 2023
La biographie de Janet Frame, écrivaine néo-zélandaise, saisit comme une épopée féministe, un combat pour la liberté du corps, et l’émancipation intellectuelle.
- Réalisateur : Jane Campion
- Acteurs : Kerry Fox, Alexia Keogh, Iris Churn, Kevin J. Wilson, Karen Fergusson
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Américain, Britannique, Néo-zélandais, Australien
- Distributeur : Mission
- Durée : 2h38mn
- Reprise: 20 décembre 2021
- Titre original : An Angel at My table
- Date de sortie : 24 avril 1991
- Festival : Festival de Venise 1990
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Résumé : L’évocation de la vie de Janet Frame à travers l’adaptation de ses trois autobiographies : "To the Island", "An Angel at My Table" et "The Envoy from Mirror City". Cette femme, issue du milieu ouvrier, fut internée pendant sept ans et dut sa libération à la notoriété que lui apportèrent ses récits.
Critique : Jane Campion dresse le portrait sensible et poétique de Janet Frame, au sein d’une image chaude, presque rousse, comme les cheveux atypiques et reconnaissables entre mille de sa protagoniste. En racontant sa vie, exercice périlleux et plus ou moins académique, elle se détache des attendus en développant des scènes courtes, qui se succèdent comme une série de tableaux, par un montage qui allie nostalgie et poids inhérent de la société sur le corps féminin, et le désir de sortir des conventions en devenant écrivain.
La réalisatrice recompose par fragments l’existence de Janet, qui arbore le monde par les sens : le langage est visuel, car la petite fille, apprend par la vue, l’ouïe et le toucher, déformant la réalité, déjà prémices des écrits à venir. Il y a ce plan singulier, et propre à l’œuvre de Jane Campion, présent également dans La leçon de piano, où Janet, voyageant en train, observe le paysage défiler par la fenêtre entre le creux de ses mains. Elle crée une ouverture, un interstice émanant de son corps, pour s’approprier ce qui l’entoure.
La fillette grandit, et se voit brutalement projetée dans le monde des adultes, dans l’âcreté de la vie, qui, loin de l’épargner, la confronte à la noyade de sa sœur, à ses dents cariées par manque d’hygiène – peut-être, trop forte gourmandise – et à la violence du milieu psychiatrique de la fin du XXe siècle. On la diagnostique schizophrène, et elle est internée pendant huit ans. Malgré le succès qui ne tarde pas à arriver, la publication de ses livres et nouvelles, le fait que cela lui permette de s’extraire de l’hôpital, Janet semble être déconnectée de l’instant présent, des épreuves qu’elle traverse, comme si elle appréhendait la vie d’un point de vue omniscient, détaché émotionnellement, spectatrice plutôt qu’actrice. Elle est saisie en dehors, à côté, par manque cruel de confiance en elle, et par anxiété sociale. Elle a du mal à se mêler aux autres, jusqu’à ce séjour en Espagne, où elle s’éveille à la sexualité, où le grain de l’image et sa chair ne font plus qu’un, dans une union qui ressemble à une libération. Mais l’idylle ne dure pas ; les hommes possèdent un rôle ingrat.
La déception engendre un retour à la maison familiale, laissée à l’abandon après la mort de son père, et Janet retrouve les paysages, les objets et les couleurs de l’enfance, comme si elle rentrait d’une longue épopée, d’une traversée du monde (elle est partie de Nouvelle-Zélande pour voyager en Europe) et d’elle-même : elle a appris, grandi, sans pour autant changer radicalement. Elle s’est enrichie, et retourne chez elle comme Ulysse rentre à Ithaque : avec des yeux d’enfants inaltérables – c’est une artiste – ponctués par les expériences de l’existence.
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