Le serment inviolable
Le 20 mai 2012
Œuvre singulière et sincère, à moitié convaincante, cette troisième réalisation de Sean Penn offre à Nicholson l’un des rôles les plus poignants de sa carrière.
- Réalisateur : Sean Penn
- Acteurs : Jack Nicholson, Mickey Rourke, Robin Wright (Robin Wright Penn), Patricia Clarkson, Helen Mirren, Benicio Del Toro, Vanessa Redgrave , Harry Dean Stanton, Aaron Eckhart, Sam Shepard
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Road movie
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h04mn
- Date télé : 29 janvier 2023 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 26 septembre 2001
- Festival : Festival de Cannes 2001
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Résumé : Le jour de sa retraite, l’inspecteur Jerry Black s’attarde dans son bureau pour la dernière fois avant de faire bonne figure à la fête "surprise" organisée en son honneur. Touché par la générosité de ses collègues, il accepte volontiers leur cadeau, un billet d’avion pour réaliser son rêve : aller pêcher au Mexique. Au même moment, le corps d’une fillette de huit ans est découvert à moitié enseveli sous la neige, dans les montagnes du Nevada. Un meurtre gratuit en apparence. Bien que ses collègues de travail le poussent à mettre fin à sa carrière au sein de la police, Jerry est décidé à mener son enquête. Comment laisser un tel crime impuni ? Il promet solennellement à la mère de la jeune victime de retrouver le meurtrier.
Critique : Pour son troisième essai derrière la caméra, Sean Penn met en scène, pour la première fois, un récit qu’il n’a pas imaginé lui-même : s’il était directement à l’origine des scénarios d’Indian Runner et de Crossing guard, il adapte ici un romancier suisse, Friedrich Dürrenmatt. Ce qui n’empêche nullement la belle gueule d’Hollywood de livrer une œuvre profondément personnelle, travaillée par des thématiques qui semblent le ronger de film en film : la névrose, la marginalité, le deuil... Le bad boy qui, depuis plus de vingt ans de carrière, n’a jamais caché son côté obscur, semble avoir trouvé dans la mise en scène un moyen idoine de l’exprimer.
Si The Pledge commence comme un policier classique, avec cadavre sanglant sous la neige à la clé, il en dévie rapidement lors d’une scène essentielle où l’inspecteur Jerry Black, interprété par Nicholson, est confronté aux parents de la victime : devant le Christ en croix, il fait le serment solennel et sacrificiel de retrouver le meurtrier, quoi qu’il en coûte. La résolution de l’enquête n’intéresse pas tellement Sean Penn (elle est expédiée au bout d’une demi-heure : les autorités mettent le grappin sur le coupable idéal, trop simple pour convaincre Black), et c’est la singularité du film : à travers la "promesse" de l’inspecteur, qui tourne à la pure obsession névrotique, il trace surtout le portrait d’un homme vieillissant, mis en face de ses limites, dont les repères vacillent jusqu’à la folie. Toute la question est de savoir si l’enquête de Black, poursuivie contre vents et marées, est absurde ou légitime. Les indices que le flic déniche sont-ils significatifs ou ne sont-ils que le fruit de ses délires ? Le récit policier tourne au psychique. Jack Nicholson, avec qui Penn avait déjà tourné Crossing Guard (au sujet assez similaire), est ici d’une sobriété exemplaire : usé, pathétique, de plus en plus bouleversant à mesure que son personnage perd pied avec le réel, Nicholson délivre une prestation sans fioritures, débarrassée de ses tics baroques et de ses jeux de sourcil habituels. Sans doute l’une des plus belles compositions de sa carrière récente - et de sa carrière tout court.
The Pledge prend des chemins de traverse assez inimaginables pour un film de genre, à mi-chemin entre l’enquête et le road movie (à la moitié du film, Black part s’installer et pêcher dans la cambrousse, toujours sur la trace de son illusoire tueur). Comme dans tout road movie, le voyage du personnage est aussi un voyage intérieur, une véritable quête de soi-même ; Sean Penn, avec beaucoup d’effets de mise en scène, joue à fond sur ce versant subjectif, adoptant constamment le point de vue troublé de son personnage, filmant (superbement) la faune et la flore des montagnes américaines comme autant d’univers mentaux et de paysages intérieurs (comme il le fera abondamment par la suite, avec son Into the Wild). Et, comme dans tout road movie, on n’échappe pas aux personnages cabossés, qui représentent autant de plaies de l’Amérique profonde : vieux flic blasé, taulard traumatisé par le deuil, femme barman frappée par son mec, Indien maltraité... Une galerie de portraits qui tourne au véritable défilé de stars indépendantes (Benicio Del Toro, Harry Dean Stanton, Mickey Rourke, Robin Wright Penn, etc), avec une réussite et une subtilité malheureusement inégales. À l’image de son personnage principal, le film s’égare un peu dans ses propres méandres, traîne volontiers en longueur, ne sait plus sur quel registre danser (la chronique d’une Amérique blessée ? L’enquête et ses fausses alertes ? La peinture d’une folie rampante ?). Il se dégage de The Pledge un ton très singulier, mais aussi un sentiment d’inabouti, de confusion, d’idées mal dégrossies, que viennent seulement démentir les toutes dernières scènes (une fin ouverte à l’interprétation, d’une ambiguïté à la fois géniale et frustrante). Le résultat, avec ses excès et ses défauts typiquement "sean penniens", reste pourtant très attachant, tant il transpire de foi dans le cinéma et dans l’humain.
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