Le 21 novembre 2023
L’auteur de La chute de l’empire américain s’amuse à passer au crible le déclin de nos sociétés occidentales.
- Réalisateur : Denys Arcand
- Acteurs : Rémy Girard, Guylaine Tremblay, Yves Jacques, Marcel Sabourin, Pierre Curzi, Johanne Marie Tremblay, Caroline Néron, Sophie Lorain, Marie-Mai Bouchard, Katia Gorshkova, Edgar Bori
- Genre : Comédie, Romance
- Nationalité : Canadien
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 1h55mn
- Date de sortie : 22 novembre 2023
- Festival : Festival d’Angoulême 2023
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Résumé : Dans une ère d’évolution identitaire, Jean-Michel, un célibataire de soixante-dix ans, a perdu tous ses repères dans cette société et semble n’avoir plus grand-chose à attendre de la vie. Mais voici que dans la maison de retraite où il réside, Suzanne, la directrice, est prise à partie par de jeunes manifestants qui réclament la destruction d’une fresque offensante à leurs yeux. Alors qu’il observe avec ironie cette époque post-pandémique où tout lui semble partir à la dérive, Jean-Michel reprend en main sa vie… et celle des autres.
Critique : Denys Arcand est désormais considéré comme l’un des plus importants réalisateurs québécois, grâce, entre autres à son film Le déclin de l’empire américain et bien plus encore aux Invasions barbares qui remporte l’Oscar du meilleur étranger et plusieurs César (meilleur film, meilleur réalisateur et meilleure mise en scène) en 2004. Aujourd’hui octogénaire, il pourrait signer ici son dernier film, le témoignage final d’une époque révolue qu’il laisse en testament aux générations futures. Et s’il installe son décor en Amérique du Nord, plus précisément dans la Belle Province, toute ressemblance avec la vieille Europe n’est pas fortuite. Car, sans craindre de choquer la bien-pensance, il livre, à travers le portrait d’un homme qui lui ressemble, une œuvre sans concession sur le bafouement de l’art, la mise à l’isolement des aînés, le pouvoir accordé aux minorités, le cynisme des médias et la lâcheté des politiques.
- Copyright Takashi Seida
Jean-Michel Bouchard (Rémy Girard), septuagénaire sans famille, finit ses jours dans une maison de retraite vaillamment dirigée par Suzanne Francoeur (Sophie Lorain), une directrice quelque peu rigide mais néanmoins attentive. Dans une ère dominée par une censure arbitraire, la destruction de l’art et de la culture, il peine à retrouver ses repères. Ainsi cette remise de prix littéraires au cours de laquelle on le confond avec un autre auteur et l’on écorche son nom sans lui permettre de rectifier sous prétexte que les gens de son âge sont devenus inaudibles, confirme son inadéquation à ce monde impénétrable. Ses préoccupations existentielles sont encore davantage bouleversées lorsque Suzanne est prise à partie par de jeunes manifestants qui réclament la destruction d’une fresque, peinte sur un mur de la résidence, et jugée offensante. Revendication reprise d’un même chœur par les médias et le gouvernement et qui sert de support à l’élaboration d’une satire féroce sur l’absurdité de nos sociétés à la dérive. Alors, pour que la charge soit efficace, il faut frapper fort. Et Arcand n’hésite pas.
- Copyright Jan Thijs
S’appuyant sur un scénario qui ne faiblit jamais, le cinéaste creuse de son regard acerbe mais cependant non dénué d’humour toutes les déviances de cette idéologie qui fragmente et divise en proposant un programme victimaire au détriment des fondements démocratiques. Une démonstration à laquelle adhéreront ceux qui refusent d’envisager la vie sociale comme une compétition de ressentiments et rêvent d’un monde fédérateur mais ne manquera pas de froisser les fervents adeptes du politiquement correct qui la qualifieront de réactionnaire. Pourtant, il n’est pas ici question de s’opposer aux avancées sociétales. Juste de les entourer de ce bon sens et de cette modération qui lui font trop souvent défaut.
D’ailleurs, Jean-Michel, à qui Rémy Girard prête toute sa bonhomie, finit par se départir de sa résignation pour gagner en sérénité grâce à de belles rencontres et à des séances d’écoute régénératrices qui sont aussi, pour les spectateurs, l’occasion, de découvrir une flopée de seconds rôles attachants (Katia Gorshkova, Marie-Mai, Guylaine Tremblay, Edgar Bori et quelques autres). Et puis se dessine en filigrane l’esquisse de la douce romance entre Jean-Michel et Suzanne pour rappeler qu’au delà des conflits en tous genres, l’amour peut encore nous sauver.
- Copyright Jan Thijs
Le scénario déroule ses séquences toujours plus ironiques que méchantes au cœur d’une mise en scène élégante et d’une photographie adoucie par les tons pastel des décors d’automne. Enfin, reste le plaisir de regarder évoluer, entre tendresse et doute, le couple Girard/Lorain, tous deux d’une justesse de ton impeccable.
Sans jamais se prendre au sérieux ni se faire moralisateur, ce film aux accents politiques ouvre la réflexion sur l’avènement d’une nouvelle civilisation qui, à tort ou à raison, risque bien de pulvériser nos dernières certitudes. S’il ne se fait pas happer par quelques mauvais joueurs irrités par sa puissance de frappe, ce Testament pourrait bien se hisser au sommet des œuvres du cinéaste québecois le plus populaire.
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