Le 4 avril 2020
Tendre Jeudi est la suite de Cannery Row paru neuf ans plus tôt. John Steinbeck évoque ici la vie tourmentée de la rue de la Sardine dans l’Amérique d’après-guerre, dont le destin oscille entre gravité et insouciance. 66 ans après sa publication, replongeons-nous dans un roman touchant de réalisme.
- Auteur : John Steinbeck
- Editeur : Le livre de poche
- Genre : Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : J.C. Bonnardot
- Plus d'informations : Le site officiel de l’éditeur
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Résumé : Depuis la guerre, bien des choses ont changé rue de la Sardine. Ses amis s’inquiètent pour Doc, qui peine à terminer sa thèse et semble se replier sur lui-même. Quant à la tenancière du bordel, elle se demande si sa nouvelle recrue a bien le profil de l’emploi. C’est alors qu’une idée complètement loufoque se met à germer dans le cerveau des habitants du quartier. Qui sait si, à force de ruse et de générosité, ils ne parviendront pas à atteindre leur but ? Tout peut arriver, par un tendre jeudi… L’auteur des Raisins de la colère et d’À l’est d’Éden, prix Nobel de littérature, nous livre ici son roman le plus tendre et le plus gai, d’une délicatesse et d’une générosité savoureuses.
Critique : Tout se passe à Monterrey, petite ville tranquille perchée sur la côte californienne. Le quotidien de la rue de la Sardine se partage entre le bar de la grosse Ida, l’épicerie Le Petit Palais et le bordel L’Ours. Alors quand Doc, figure tutélaire du quartier, se met à déprimer et que la tenancière du bordel s’interroge sur le profil de sa nouvelle recrue, une idée complètement loufoque se met à germer dans le cerveau des habitants de la rue. Qui sait si, à force de ruse et de générosité, ils ne parviendront pas à atteindre leur but ? Tout peut arriver, par un tendre jeudi…
On entre assez progressivement dans l’intrigue, comme s’il fallait dans un premier temps s’habituer à ce rythme de vie lent et routinier où chaque nouveauté est un événement. Les descriptions sont pleines de délicatesse, les dialogues limpides et drôles. Steinbeck prouve une nouvelle fois son aptitude à articuler détails matériels et questionnements existentiels, petits rien du quotidien et grandes interrogations philosophique, ayant pour effet de garder lecteur en alerte malgré l’apparente banalité des faits racontés. Ce procédé est notamment permis par la profondeur des personnages, qui ne semblent jamais totalement à leur place. Doc est censé incarner l’altruisme du docteur et la sérénité du scientifique, mais ne cesse de se renfermer sur lui-même et n’arrive pas à écrire une ligne de son article. Si Suzy est au départ une jeune prostituée sans émotion dont on ne sait presque rien, son tempérament difficile n’est en fait qu’une façade cachant sa peur d’aimer. Hazel, qui n’écoute jamais les réponses, se met à trouver toutes les solutions pour aider Doc (à l’image de Lennie Small dans Des Souris et des hommes, c’est le personnage en apparence le plus simple qui se révèle le plus complexe). De la même manière que Fauna, la tenancière du bordel, prend Suzy sous son aile alors qu’elle passait pour une matrone intransigeante. Il y a quelque chose de touchant à voir ces personnages habituellement en retrait servir ici d’adjuvants magnifiques, lorsque les héros habituels commencent à perdre les pédales. On serait d’ailleurs incapable de trouver des coupables à cette joyeuse pagaille, si ce n’est une sorte de destin facétieux qui aurait décrété que rien ne serait facile pour les habitants de la rue de la Sardine.
Et c’est sûrement le fait que ceux-ci soient tant malmenés qui magnifie leurs espoirs de paix. Personne ne sait vraiment s’ils accéderont au bonheur, mais au moins ils auront essayé. Et dans ce « ils », derrière les apparences impénétrables que prennent les hommes quand ils ont peur, chacun peut se reconnaître à son échelle. Qui n’a jamais songé à vivre autre part, qui n’a jamais rêvé la vie différemment que ce qu’elle est ? Tendre Jeudi donne de la matière à ces aspirations humaines tout en offrant un récit très réaliste, attaché aux objets plutôt qu’au concepts. Cette courte fable livre ainsi une réflexion forte sur les difficultés de l’amitié et de l’amour entre les hommes, tout en conservant à chaque moment une sorte de bienveillance communicative. L’auteur des Raisins de la Colère ne livre pas peut-être pas ici son roman le plus abouti, mais celui-ci sonne vrai. Et c’est ce qui le rend si spécial.
Tendre Jeudi - John Steinbeck
254 pages
Editions Le Livre de Poche - 7,30 €
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