Le 24 septembre 2017
Le retour tant attendu du rappeur du 18ème se fait par son album le plus jusqu’au-boutiste de son style bien défini. Pour les aficionados, le plaisir est total, quoiqu’un peu court.
- Date de sortie : 22 septembre 2017
L'a écouté
Veut l'écouter
Notre avis : Quand l’album Fenêtre sur Rue s’est autant imposé comme l’un des points de départ d’une passion pour la musique hip-hop (bah ouais la découverte a été tardive), un nouveau projet de Hugo TSR concentre une multitude d’attentes à la hauteur de ce qu’est probablement devenu un mythe du rap francophone. Représentant malgré lui de la scène underground, le parolier du 18ème de Paris se terre tellement dans l’anonymat qu’il s’en est érigé paradoxalement de cela un personnage unique attisant l’attention de ce type de rappeur de l’ombre trop peu répandu. Heureusement pour nous, Hugo, capuche sur la tête baissée, ne change absolument pas son mantra alors que sa reconnaissance grandit depuis son précédent classique de 2012. Quasi-inexistant sur les réseaux sociaux (juste pour le strict nécessaire), complètement libre dans sa démarche artistique et marketing au point d’annoncer l’existence de son album plus d’un an avant sa sortie (c’est long entre chaque son, mais bon on sait pourquoi), le MC de Paris sort enfin son dernier ugotrip, Tant qu’on est Là. Toujours bloqué sur la bande d’arrêt d’urgence, le membre du TSR Crew persiste à cultiver son flow crachant esquinté par la tise, le shit, et le rap. A la première écoute c’est en tout cas le premier constat que l’on émet : Rien n’a changé dans sa musique, probablement parce qu’il en va de même pour les fondements de sa vie.
- La galère pour trouver des photos potables du rappeur...
Mêmes thèmes explorés, mêmes instrus et phrasé adoptés (à quelques originalités près, alors ne dites pas qu’il n’évolue jamais) pour le prolongement logique du regard d’un gars du 18ème sur la société, son environnement claustrophobique et des conséquences que cela a sur lui. Moins porté sur les références d’un Paris déjà cartographié dans Fenêtre sur Rue, Tant qu’on est Là désenclave son propos à des généralités toujours aussi lucides mais avec lesquelles l’on se sent bien plus proche, comme cette Cage d’escalier que beaucoup connaissent et empruntent, ici décrite dans tout ce qu’elle a de destructrice et ambivalente, entre coma artificiel et grattage de rimes ciselées. Marque de fabrique d’une des plumes les plus imagées du rap français, les punchlines forment la matière première du minimalisme de Hugo. Clairement pas là pour divertir ou amuser, Tant qu’on est Là réitère sans trop de problème une recette opérante ayant fait ses preuves et brouille surtout la démarcation entre égotrip et réflexions plus sérieuses. En cela ce dernier album marque moins que Fenêtre sur Rue malgré sa grande intensité, justement parce qu’il condense dans un fourre-tout les différentes facettes du rappeur. Sans dégradation de la cohésion formelle et même lyricale (une des grandes forces de Hugo), le parolier parisien balance à une cadence infernale ses rimes mettant à terre la majorité du rap francophone, impossibles à cerner dans leur totalité au détour d’une première écoute trop orientée sur la découverte.
- ... Si bien que tu dois faire des screenshots de ces clips pour accompagner la critique...
Chaque replay accroît la compréhension de la mentalité d’un MC tristement cynique sur une société dont il s’éloigne de plus en plus en vieillissant. En poète agressif et sauvage, ce old boy indomptable ne lésine pas sur les métaphores et références culturelles pour exprimer son dégoût pour les vieux de son âge coincés dans une routine consumériste et capitaliste, coup d’éclat grinçant et sans concession sur un piège à loup aussi vicieux que le 18ème. Les douilles sortent par dizaines au détour de simples rimes ou de morceaux entiers dédiés aux répulsions de ce zonard des toits de sa ville, faux eldorado aux façades falsifiées. Parmi ces dédicaces cassantes destinées à dessiner les vices de chacun, Pauvre Roi constitue une nouvelle merveille de storytelling de la part d’un auteur qui en a fait une de ses spécialités au fil des années à traîner dans son quartier et son arrondissement relié par une ligne verte crado et inspirante. Se considérant lui-même comme un reporter, Hugo TSR amoncelle de précieux témoignages internes sur les banlieues françaises, loin des redondantes visions étriquées d’un pan de population contaminé par des médias de masse putassiers (et à clics). Toujours efficaces dans leur capacité à immerger, les textes du rappeur doivent être savourés comme une source d’informations alternative et ludique, d’autant plus que l’album ne traîne pas sur la longueur en se bouclant après 37 trop courtes minutes.
Pas le temps de souffler sur Tant qu’on est Là, ou tout juste l’instant de se remémorer avec désenchantement l’innocence de l’enfance au cours d’un interlude pausé. Bien évidemment la qualité prime sur la quantité, et même après 10 écoutes le projet ne baisse pas d’intensité en conservant intact l’impact de textes puissants et sollicitant toujours la participation active de l’auditeur. Néanmoins, face à une si longue attente entre l’annonce de l’album et sa sortie, la déception ne peut se soustraire de notre jugement (en terme de durée, le porte-étendard du Dojo, Népal, a lui aussi un peu frustré cette semaine, mais on en reparlera plus tard), bien qu’elle se réduise au rang de détail devant les qualités de ce dernier opus. A défaut de surprendre, l’album officie, comme son titre l’indique, telle une piqûre de rappel de l’existence du rappeur, et plus généralement de sa famille, pour continuer à se faire entendre et offrir des chroniques au réalisme cru. Tant qu’il sera là pour continuer, on le suivra. Point final.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.