Un documentaire déroutant et inquiétant
Le 14 septembre 2019
- Réalisateur : Alison Kleyman
- Titre original : The Brink
- : L’Atelier Distribution
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 25 septembre 2019
- Durée : 1h31
- Titre original : The Brink
Le film se présente comme le journal, caméra à l’épaule, d’une année aux côtés de l’ancien conseiller de Donald Trump. Au-delà, ce documentaire se révèle une véritable immersion au sein de l’extrême-droite mondiale.
Résumé : Réputé pour avoir été le stratège de Trump, Steve Bannon est la figure emblématique de l’ultra droite américaine. Remercié de son poste de conseiller à la Maison-Blanche, il exporte son idéologie populiste auprès des partis nationalistes européens, rêvant d’un nouveau mouvement mondial. Après l’avoir suivi durant une année, la réalisatrice Alison Klayman met en exergue les efforts de Steve Bannon pour mobiliser et unifier ces partis d’extrême droite en vue de remporter des sièges aux élections parlementaires européennes de mai 2019. Pour conserver son pouvoir et son influence, il continue de faire la une des journaux en manipulant et protestant partout où il va, afin d’alimenter le puissant mythe sur lequel repose sa survie.
Notre avis : Suite à son limogeage par Donald Trump en Août 2017, Steve Bannon, qui se revendique comme l’unique raison de la victoire de ce dernier face à Hillary Clinton, n’a pas chômé. Son ambition : rassembler. Rassembler les populistes, les nationalistes, les extrémistes de droite. Il n’a d’ailleurs pas honte de ces mots qu’il emploie à l’envi, ce qui peut désarçonner le spectateur français, échaudé face à ces termes minés. Alison Klayman, jeune réalisatrice de documentaires, ainsi que sa productrice, Marie Therese Guirgis, se sont lancé un défi : percer le mystère de cet homme à sa sortie de la Maison Blanche, un enfer, selon lui.
Qui est Bannon ? Aux Etats-Unis, il est réputé comme l’homme des médias d’extrême droite. Pour un temps dirigeant de Breitbart News, plateforme ultra-conservatrice extrêmement présente sur les réseaux sociaux, acteur premier de l’élection de Trump en 2016, Steve Bannon connaît tous les rouages de la politique du pays et en fut initialement un acteur influent. Ainsi, de 2012 à 2016, à la tête de Breitbart, il a pu semer les graines des idées réactionnaires et nationalistes, qui sont montés en flèche, ont surpris Hillary Clinton, ainsi que toute la planète. On s’attend à découvrir un "monstre" à l’écran. Un vulgaire, un bulldozer, à l’instar de Trump. Quelle surprise de voir apparaître un homme habillé de manière modeste, mal rasé, gauche, rustre certes, mais... sympathique, presque. Tout du moins, lorsqu’on oublie ce qu’il est capable de prononcer.
La scène d’ouverture, à elle seule, résume le film. Bannon, assis calmement dans sa maison de Washington, narre à la réalisatrice sa visite du camp d’Auschwitz-Birkenau. Calmement, souriant, les yeux rayonnants de fascination, l’homme raconte la confection de cette horreur comme celle d’une formidable machine à tuer. Tout n’est que mécanique, technique, "réunions", dit-il, avant de conclure sur la "banalité du mal". Sans le savoir, Bannon se démasque devant nos yeux. Sans le sentir, il nous montre sa nature profonde : celle d’un être avant tout fasciné par les pires potentialités de l’être humain. Ce sera l’une des uniques scènes où il baissera sa garde.
Bien réalisé, le documentaire s’avère passionnant, quand on s’aperçoit qu’outre Louis Aliot et Marine le Pen, Bannon se lie d’amitié avec tout ce que le spectateur identifie comme des menaces pour la démocratie : Orbán, Salvini, Farage... tous ces gens connaissent Steve Bannon. Tous l’ont rejoint avant les élections européennes de 2019. Comme quoi, une intervention des Etats-Unis peut parfois être acceptable aux yeux de ces hommes ou de ces femmes politiques.
La rencontre avec la réalisatrice, dans le cadre d’une avant-première, confirme le sentiment qui domine après la séance : celle d’une désolation. Une désolation devant la perméabilité des idées de ces personnalités à celles de Bannon, où se confondent l’isolement, le rejet, la crainte, la préférence. Une désolation devant la distance, la dérision de cet homme lorsqu’il déploie ses démonstrations infectes. Une désolation devant sa bonhommie, l’accueil qu’il reçoit de la part de milliers de personnes qui ne sont pas toutes des nationalistes en puissance... souvent des gens modestes, laissés sur le carreau.
Alison Klayman raconte la difficulté à assister à certaines des scènes qu’elle a filmées, comment elle a dû prendre sur elle, impuissante - sans l’être vraiment derrière sa caméra - au sein de réunions parfois sordides, ou devant le naturel déconcertant de Bannon, qui n’a finalement pas grand chose d’un manipulateur pervers. Cet homme serait plutôt un diffuseur d’idées... nauséabondes.
Le documentaire est à voir, parce que son écho dépasse largement les limites du territoire des Etats-Unis. Les élections présidentielles américaines de 2020 approchant, il est d’intérêt public de savoir que lorsque Steve Bannon danse, les nationalistes européens rejoignent la ronde.
Et c’est bien la réalisatrice qu’il faut remercier pour son sens du devoir, sa neutralité, qui contribuent à une véritable prise de conscience chez les spectateurs.
Galerie photos
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