L’Enfer
Le 31 août 2009
Dur, basé sur des faits réels, romancé mais toujours réaliste, un film bouleversant, fait en partie par ceux qui vécurent le génocide rwandais.
- Réalisateur : Michael Caton-Jones
- Acteurs : John Hurt, Hugh Dancy
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique
– Durée : 1h54mn
Dur, basé sur des faits réels, romancé mais toujours réaliste, un film bouleversant, fait en partie par ceux qui vécurent le génocide rwandais.
L’argument : Printemps 1994. Des centaines de Tutsis se réfugient dans une école de Kigali servant de base à des troupes de l’ONU, pour échapper aux massacres organisés par les Hutus. Le prêtre responsable de l’établissement et son jeune acolyte seront forcés à jauger l’intensité de leur foi, les limites de leur courage et, enfin, de faire un choix. Rester auprès des leurs, ou s’enfuir.
Notre avis : Où le monde regardait-il en 1994, quel vide occupait la tête du Conseil de sécurité de l’ONU, comment avons-nous pu dormir tranquille, quand en trois mois des milliers de Tutsis et de Hutus modérés se faisaient massacrer, sauvagement, à la machette, dans les rues d’un pays devenu l’incarnation de l’Enfer où hommes, femmes et enfants tuaient, sans discerner le bien du mal ? Pas un documentaire ni une fiction totale, Shooting dogs, inspiré de faits réels, dénonce les faiblesses, les lâchetés de ceux qui aurait pu empêcher le génocide - c’est-à-dire l’ONU -, illustre les doutes des rares Blancs qui se démenèrent pour aider les Tutsis, et montre la souffrance de ces derniers, abandonnés, sans défense, condamnés.
Les pistes de réflexion lancés par Michael Caton-Jones (réalisateur du prochain Basic instinct, mais ici au service de son sujet) et par ses scénaristes (l’histoire est basée sur le récit de David Belton, ancien journaliste de la BBC présent au Rwanda durant le génocide) permettent au film de ne pas être un simple hommage, mais de souligner l’horreur de cette situation. Pas de facilité ici, à l’image de cette réflexion d’une journaliste déjà présente à Sarajevo : "Là-bas, je pleurais chaque jour, je souffrais de voir mourir des gens qui pourraient être mon frère, ma sœur, moi. Ici, ce ne sont que de pauvres Noirs qui meurent..." Et en effet, rares sont ceux qui se soucieront de les sauver. L’ONU, passive, laissera faire, se contentant de réfléchir à un plan d’extermination des chiens charognards qui s’attaquaient aux cadavres jonchant les rues (d’où le titre du film).
Dans les regards du père Christopher (John Hurt), dans celui de son jeune collègue professeur, dans ceux des Casques bleus belges, dans ceux des Tutsis reclus, terrorisés, dans ceux de leurs bourreaux enfin, chaque violence transparaît. Et surgit le doute d’une foi, d’un sens à l’existence dans un tel monde à la froideur militaire faussement assumée. Bien sûr Shooting dogs, surtout dans son dernier quart, très dur, est un film bouleversant, émouvant par la cruauté du destin des Tutsis, par la dignité des victimes face à la mort, et par le comportement héroïque ou profondément humain, c’est-à-dire effrayé, de ses personnages centraux. Impossible pourtant de le taxer de sentimentalisme, de pousse aux larmes, en accusant sa musique omniprésente et son insistance sur les visages éplorés. Son générique dit tout de sa sincérité. Maquilleuses, costumières, électriciens, nombreux sont ceux qui travaillèrent sur le plateau (le film a été tourné sur les lieux du génocide) qui perdirent un ami, une femme ou toute une famille lors d’un génocide trop longtemps ignoré, illustré dix ans après par des films de qualités comme Hotel Rwanda ou Sometimes in April.
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delmasse 10 mars 2006
Shooting dogs - la critique
Critique tirée de : Un étendard sanglant à laver (4 ème partie) (info # 010803/6) [analyse]
Par Serge Farnel © Metula News Agency
Tuer les chiens...
Ce mercredi sort dans nos salles le film Shooting Dogs, dont la Ména a assisté, en avantpremière, à la projection. Nous vous conseillons vivement d’aller voir ce film qui retrace les circonstances dans lesquelles, le 11 avril 1994, fut perpétré l’innommable massacre des Tutsis réfugiés au sein de l’Ecole technique officielle (ETO) de Kigali. Cet établissement, administré par
des prêtres catholiques salésiens, était, au moment du déclenchement du génocide, placé sous la protection de soldats belges de la Minuar (force onusienne au Rwanda), ce qui explique l’afflux de Tutsis venus y trouver refuge dès le 7 avril. Quatre jours plus tard, les soldats belges,
emboîtant le pas des soldats français venus évacuer les ressortissants occidentaux, quittèrent l’ETO sans préavis, abandonnant plus de deux mille réfugiés aux milices génocidaires qui
n’attendaient que ce départ pour commencer le massacre.
Le producteur et coscénariste David Belton travaillait en 1994 à Kigali pour la BBC. Ce film répond à son besoin de « rendre hommage à tous ceux dont les télévisions du monde entier ont
refusé de montrer la mort en direct sous des prétextes fallacieux ». Les personnages principaux sont un prêtre catholique, un jeune coopérant et le capitaine Luc Lemaire, chargé des soldats basés à l’ETO. Ces casques bleus faisaient partie du Kibat II du contingent belge. Malgré des efforts pour alerter l’opinion par le biais d’une équipe de la BBC alors présente sur les lieux, le coopérant allait bientôt devoir choisir entre mourir au côté des Tutsis ou profiter de l’évacuation offerte alors exclusivement aux Occidentaux.
Si ce film met en évidence l’impardonnable abandon des Tutsis par les forces de l’ONU totalement dépassées, on lui reprochera néanmoins, en ayant excessivement zoomé, aussi bien
spatialement que temporellement, sur l’événement proprement dit de l’abandon des réfugiés, d’avoir fait l’impasse sur la présentation du mécanisme qui amena à ce massacre. Du processus de
fomentation du génocide !
Contrairement aux forces françaises qui avaient anticipé la déroute des forces onusiennes, le contingent belge de l’ONU, traumatisé par le massacre de dix des leurs, a lui, au contraire, dû
subir la situation. Le frère Gaspard Nteziryay, qui a témoigné pour African Rights, estima ainsi que « les soldats belges montraient leur dégoût pour leur incapacité à nous protéger ou à se
protéger eux-mêmes ». C’est également le témoignage de Vénuste, qui fit part à African Rights de son impression que les soldats belges avaient peur. Ces témoignages ne sauraient, en aucun cas,
bien sûr, justifier qu’on abandonne ainsi qui que ce soit à des tueurs.
Mais ils sont susceptibles d’expliquer en quoi les deux situations que furent celles des forces françaises et onusiennes, qu’on aurait pu, en première analyse, être tenté de comparer, étaient, en définitive, très loin d’être équivalentes.
[...]
La France tirait les ficelles
Les militaires français qui [...] dirigeaient de fait l’armée rwandaise, avaient choisi leur moment précis pour intervenir à l’ETO. C’est ainsi que notre armée mit la force onusienne, responsable, en principe, de la protection des expatriés européens et des civils, devant le fait accompli. Le
capitaine Luc Lemaire, de la force belge de l’ONU, à l’occurrence de l’arrivée des Français, requit et obtint de ses supérieurs l’autorisation de quitter l’ETO. Ayant, au préalable, reçu du Lieutenant-colonel Dewez l’ordre de se rendre à Gitarama afin d’évacuer des ressortissants belges, il profita de la sécurité offerte par l’escorte française pour évacuer son détachement et abandonner les civils sous sa protection à un massacre certain.
Les excellentes relations de l’armée française avec les génocidaires sont confirmées par de nombreux témoignages concordants rassemblés par African Rights. Notamment par le père Jean-
Paul Lebel, qui a indiqué que les Français étaient venus car leurs relations avec les locaux étaient
plutôt bonnes alors que les Belges « craignaient l’hostilité locale ».
Le rapport d’African Rights fait état de ce que « l’arrivée des soldats français, reconnaissables au drapeau sur leur uniforme et à leur béret rouge, fut une source de consternation pour les réfugiés. » Le constat précise que « leur appréhension alla croissant lorsqu’ils virent les soldats de la Minuar rassembler leurs affaires, démanteler les fusils des tranchées, démonter leur tente et regrouper tout leur matériel vers l’un des bâtiments principaux ».
Emmanuel Rugangura, lié au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), fut l’un des seuls Rwandais évacués. Il raconte son transfert par les Français : « Les rues de Kicukiro
étaient déjà jonchées de corps quand nous sommes partis. Alors que nous traversions, nous entendions crier “Vive la France !” parmi la foule (hutue) alignée aux bords des routes. » Il explique que son convoi fut ensuite dirigé vers le lycée français : « Lorsque nous sommes arrivés
là, les soldats, probablement français, ne voulaient pas nous laisser entrer. Nous sommes restés à l’extérieur sous l’oeil narquois des soldats qui gardaient l’entrée. Un peu plus loin, à l’entrée du centre sportif de Kigali, il y avait un barrage routier tenu par les interahamwe. Ils sont venus nous
menacer et nous ont dit qu’ils allaient nous tuer pendant la nuit. »
Le soir venu, le soldat qui gardait l’entrée du collège leur a dit de « dégager ». Emmanuel lui répondit alors qu’il préférait être tué par une arme à feu plutôt qu’avec une machette. « Il (le soldat français) a éclaté de rire et est parti. C’était comme s’ils se moquaient de nous. ». Le témoin explique ensuite qu’ils n’eurent pas d’autre choix que de passer la nuit à l’extérieur : « On a profité de l’obscurité et de la pluie pour se glisser sous les véhicules du parking de l’école. Nous étions environ treize. Le jour suivant, une dizaine de camionnettes sont arrivées pour évacuer ceux qui avaient passé la nuit au lycée français. Nous ne faisions pas partie d’entre eux. » Emmanuel doit sa vie au représentant du PNUD qui vint à sa rescousse en véhicule blindé et à qui sa femme demanda alors la raison pour laquelle on refusait de les laisser entrer au lycée. La réponse du coopérant du PNUD fut que Boutros Boutros-Ghali n’avait pas encore donné la permission d’évacuer les locaux.
Le père Louis Peeters a affirmé que, étant donné que « les Français avaient une certaine influence sur la politique rwandaise » (c’est le moins que l’on puisse en dire. Ndlr), « comme ils étaient présents au moment de l’évacuation, ils auraient facilement pu escorter les réfugiés jusqu’au
stade Amahoro ».
Au lieu de cela, un témoignage tiré du livre Conspiracy to murder (Conspiration pour tuer) de
Linda Melvern (Editions Verso, avril 2004, $ 25), nous indique que « les Français promirent aux
gens qu’ils allaient rester. » Ce faisant, ils facilitèrent la fuite du contingent belge de la Minuar.
Saving a dog
Les Français n’ont évacué que des responsables politiques hutus proches du noyau dur génocidaire, au centre duquel oeuvrait Agathe Habyarimana, la veuve du président tué le 6 avril,
elle-même évacuée par le premier avion en partance de Kigali et reçue avec des fleurs offertes par l’Elysée à son arrivée à Paris.
Évacuant les uns, les assassins menacés par l’avance du Front patriotique rwandais, et abandonnant les autres, les civils tutsis à leurs bourreaux, les dirigeants français ont ainsi fait la preuve de leur connivence avec les assassins.
Boniface Ngurinzira, un politicien en tête des listes des génocidaires parmi les personnes à éliminer, avait été amené, avant le 7 avril, à l’ETO, par les casques bleus. Il eut beau supplier les militaires français de l’emmener avec eux, ces derniers lui refusèrent cette faveur. Il fut l’une des victimes du massacre de l’ETO. Aujourd’hui, une Rwandaise a demandé réparation, par voie
juridique, du fait qu’il fut abandonné, avec sa famille, par les soldats de l’ONU.
Ces mêmes soldats qui reçurent l’ordre de tirer sur les chiens qui, se nourrissant des cadavres du
génocide, commençaient à poser un problème sanitaire. On dit qu’ils commençaient à s’habituer au goût de la chair humaine... Le film Shooting Dogs montre que les soldats de l’ONU préférèrent tirer sur ces chiens plutôt que d’appliquer leur doctrine de légitime défense. Pourquoi ont-ils refusé de tirer sur les piranhas que constituaient les milices interhahmwe, dont le nom, signifiant « ceux qui frappent ensemble », rappelle précisément leur mode de prédation ?
Les amis des bêtes peuvent être rassurés, nous avons appris par l’émission TV BBC/Arte que l’opération Amaryllis avait réussi à procéder à l’évacuation... du chien de l’ambassade de France !
Par-delà l’horreur
L’argument défendu par le Quai d’Orsay, selon lequel les Français ne peuvent pas avoir participé au génocide, dans la mesure où il n’y aurait eu, au Rwanda, durant le génocide, que nos soldats participant à l’opération Amaryllis, et qu’il ne s’en trouvait pas dans ce pays avant le génocide,
procède d’une imposture intellectuelle, dont il importe de remarquer la nature hautement criminelle. Le Quai d’Orsay, dont les orientations dépendent uniquement du président de la
République, a pris le parti de leurrer à tout prix l’opinion internationale afin qu’elle ne puisse jamais percevoir le mécanisme par lequel la France fut partie prenante de ce génocide.
La demande exprimée [...] par l’ex-ministre des Affaires Etrangères, Michel Barnier, à son homologue rwandais, Charles Murigande, consistait en fait à obtenir que ne soit accordée à la France qu’une part artificiellement minorée dans le génocide des Tutsis. Une portion de
culpabilité que notre Etat aimerait, on le comprendrait à moins, partager à part égale avec la communauté internationale. Au point où nous en sommes des connaissances factuelles révélées et vérifiées, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une grotesque tentative de nos dirigeants d’échapper à nos responsabilités. A l’instar des miliciens génocidaires qui fuirent en se diluant dans l’exode collectif couvert par l’imposture à dénomination humanitaire Turquoise, c’est la France officielle qui organise sa propre évasion, tentant de se fondre dans une contrition collective, comme si un Etat démocratique européen pouvait disparaître dans une foule anonyme.
Une France officielle qui pourrait faire usage du film Shooting Dogs, qui a, malgré ses nombreuses qualités, cédé quelque peu à la tentation artistique de renvoyer le spectateur à une
culpabilité collective, nous rendant tous responsables de l’abandon des Rwandais à leur sort.
Ceci, quand bien même les maîtres d’oeuvre associés à ce génocide, à savoir certains militaires et
politiques français, sont pourtant aujourd’hui on ne peut plus clairement identifiés.
Le réalisateur Michael Caton-Jones a lui-même déclaré que la fiction lui avait permis de sensibiliser principalement le spectateur à « l’horreur de ce moment ».
Faire comprendre l’horreur par l’émotion est une chose. Mais encore faut-il donner au spectateur les clés qui lui permettent de comprendre que, derrière l’horreur des génocides organisés, se trouvent invariablement les concepteurs de ces tragédies. Nos enquêtes circonstanciées poursuivent l’objectif complémentaire de ceux recherchés par les auteurs de Shooting Dogs et Hôtel Rwanda. Il s’agit pour la Ména de démontrer les responsabilités au-delà du doute raisonnable. De donner les moyens à la société civile de traduire les coupables du génocide des
Tutsis - tous les coupables, quels que soient leurs fonctions, leur nationalité et le lieu
géographique où ils vivent - devant la justice des hommes.
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http://www.menapress.com/article.php?sid=1323
Voir en ligne : "Saving a Dog" : comment la France tirait les ficelles du génocide !
vincentho 14 mars 2006
Shooting dogs - la critique
Un film poignant, retour sur un épisode tragique du génocide rwandais en 1994. Un film qui permet de revenir sur ce génocide qui avait peu mobilisé à l’époque, les forces onusiennes s’étant contenté d’assister sans réagir au massacre. C’est tout le sujet de ce film : les casques bleus campent dans une école dirigée par un père religieux où se réfugie la population tutsie, puis se retirent, abandonnant cette population aux machettes des hutus.
Bien que romancé, ce film doit comporter une grande part de réalité, car des survivants du massacre ont participé au tournage du film.