Danse macabre
Le 14 décembre 2013
Pour son passage à la fiction, James Marsh livre une copie soignée, riche de pistes intrigantes, qui offre un détour labyrinthique dans l’histoire douloureuse des relations Irlande-Angleterre.
- Réalisateur : James Marsh
- Acteurs : Clive Owen, Gillian Anderson, Andrea Riseborough
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique, Irlandais
- Durée : 1h42mn
- Date de sortie : 6 février 2013
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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Pour son passage à la fiction, James Marsh livre une copie soignée, riche de pistes intrigantes, qui offre un détour labyrinthique dans l’histoire douloureuse des relations Irlande-Angleterre.
L’argument : Collette, jeune veuve, est une républicaine, vivant à Belfast, avec sa mère et ses frères, de fervents activistes de l’IRA. Suite à son arrestation après un attentat avorté au cœur de Londres, Mac, un agent secret du MI5, lui offre le choix : passer 25 années en prison et ainsi perdre ce qu’elle a de plus cher, son fils, ou espionner sa propre famille. Elle décide de faire confiance à Mac, et retourne parmi les siens…
Notre avis : Shadow dancer s’ouvre sur une séquence d’un classicisme trompeur, une scène traumatisante – et jouée presque entièrement en hors-champ – de mort d’enfant, qui marquera la protagoniste du film à tout jamais. Le mécanisme psychologique de culpabilité et de rejet face à l’injustice qui passe dans l’ellipse de la première à la deuxième scène a tout du « truc » de scénariste ; on s’attend à ce qu’il ressurgisse à un moment donné, comme trauma initial mettant le personnage face à ses blocages les plus profonds. Et pourtant, rien de cela. Il ne sera presque jamais plus question, dans le film, de cette mort première, comme si la mort, précisément, ne comptait plus ; à chaque cadavre en succède un autre, qu’une nouvelle fois on veille, on pleure et on enterre, dans une accumulation macabre qui ne semble pas devoir connaître de fin.
La force de Shadow dancer se situe dans cette attention portée à la dimension « locale » du terrorisme – sa répercussion directe sur la vie des familles des auteurs d’attentats, aussi bien que celles de leurs victimes. Sans faire un historique des relations entre le Royaume-Uni et l’Irlande – le niveau de compréhension géopolitique du récit reste au contraire volontairement brouillé, insondable –, l’effet de réalité provoqué par le film est d’une nature autre. La crédibilité du personnage de Collette et de son entourage ne provient pas de la scène initiale – l’explication psychologique ultime ! –, mais de ce qu’ils existent avec force, en dehors de la mécanique narrative du scénario.
Shadow dancer puise l’essentiel de sa puissance dans un duo, l’association de James Marsh et de la comédienne Andrea Riseborough. Le regard qu’il porte sur son jeu rentré et sa silhouette frêle sous la pluie du Nord en fait un personnage complexe, fascinant à suivre, qu’on comprend tout en ne parvenant pas complètement à épuiser. A l’inverse, les passages plus balisés – le rôle un peu pâlot de Clive Owen en agent modèle du MI5, les rivalités et les luttes de pouvoir au sein même de l’IRA… – sont également les moins inventifs, comme s’il fallait bien à un moment donné « revenir » d’une manière passablement obligée à l’histoire principale et à sa bonne compréhension. Si la scène d’ouverture présente Shadow dancer comme un « faux » film psychologique, le récit en fait un « faux » film d’espionnage, car le nœud véritable ne réside pas dans le fait de savoir « qui » est derrière l’intrigue, ou « qui » tire les ficelles. C’est lorsqu’il est le plus délié et le plus incertain que le film est au maximum de sa tension, nous faisant douter de situations ou de personnages que nous pensions jusque-là univoques (notamment les très beaux personnages des deux frères de Collette, interprétés par Aidan Gillen et Domnhall Gleeson). Ce que James Marsh filme le mieux – sa formation et sa carrière documentaires ne peuvent que confirmer l’intuition –, ce sont des atmosphères et des sentiments troubles, que la plus forte des logiques narratives ne peut résoudre entièrement. Un sentiment trouble, comme celui que laisse le film, qui sans tenir fermement sur ses deux jambes, est porteur d’une promesse très forte.
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