Un homme à la mer !
Le 3 février 2021
Une incroyable supercherie maritime devient le théâtre d’une réflexion sur la manipulation de l’opinion publique par les médias.
- Réalisateur : James Marsh
- Acteurs : Colin Firth, Rachel Weisz, David Thewlis
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Universal - StudioCanal
- Durée : 1h42mn
- Date télé : 3 février 2021 13:35
- Chaîne : Arte
- Titre original : The Mercy
- Date de sortie : 7 mars 2018
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Résumé : 1968. Donald Crowhurst, un homme d’affaires anglais, passionné par la voile, est au bord de la faillite. Pour sauver son entreprise et vivre l’aventure dont il rêve depuis toujours, il décide de participer à la première course à la voile en solitaire pour remporter le grand prix. Soutenu par sa femme et ses enfants, il se lance alors dans cette incroyable odyssée à travers les mers du monde. Mais mal préparé et face à lui-même, Crowhurst rencontre très vite de graves difficultés…
Critique : C’est une histoire vraie qui a marqué les annales des courses maritimes, et pour cause. Difficile en effet de croire, quand on sait que la nature ne pardonne pas et n’épargne personne, qu’un marin d’eau douce ait pu décider de prendre la mer à bord d’un bateau qui n’était qu’une coquille de noix et un itinéraire qui devait le faire passer non seulement par le Cap Horn mais aussi dans des lieux du globe où même les skippers les plus chevronnés ont peur de se rendre. C’est pourtant l’incroyable aventure qu’a tenté l’homme d’affaires britannique Donald Crowhurst en 1968. Passionné de voile, marin du dimanche et à la tête d’une entreprise qui battait de l’aile, ce père de trois enfants à la vie tranquille a vu dans la première course à la voile autour du monde, organisée par le Sunday Times, l’occasion non seulement de sortir d’une situation financière délicate mais également d’accomplir enfin quelque chose de marquant. Ce doux rêveur, heureux en ménage et habitant d’un petit village, a ainsi entraîné sa famille dans l’aventure (avec le risque de laisser derrière lui une veuve et des orphelins), des partenaires pour financer la construction de son bateau (avec l’obligation de les rembourser et donc de gagner), des journalistes pour attirer des sponsors mais également tout son pays, qui s’est passionné pour la folle épopée de ce monsieur-tout-le-monde bien naïf.
Copyright Gaumont DistributionCe n’est pas la première fois que l’histoire extraordinaire de cet homme ordinaire est adaptée au cinéma. En 1982, Christian de Chalonge avait proposé le long-métrage Les Quarantièmes rugissants, qui s’inspirait de l’aventure de Donald Crowhurst et mettait en scène Jacques Perrin et Julie Christie. Le film décrivait un ingénieur bien décidé à participer à une course en solitaire, inconscient des dangers pour un navigateur amateur comme lui. Poussé par son financier, il prend le départ malgré un manque évident de préparation et se retrouve dernier de la course. Face à son échec, le marin décide d’indiquer de fausses positions par radio, ce qui le place en tête de la course. Face aux conséquences désastreuses de son mensonge, il sombre peu à peu dans la folie…
Le film étant un échec, Jacques Perrin se rattrapa en 2006 en produisant le documentaire L’homme qui voulait défier les océans (Deep Water) pour Channel 4 ; réalisé par Louise Osmond et Jerry Rothwell, ce reportage recueillait les témoignages de la famille de Donald Crowhurst mais également de ses collaborateurs et des médias, bernés par les mensonges d’un homme dépassé par les événements dès le début de son incroyable projet.
Le drame présenté par le réalisateur britannique James Marsh avec Colin Firth et Rachel Weisz cherche avant tout à montrer comme le navigateur est devenu la victime involontaire d’une aventure qui, très vite, n’a plus été la sienne. Rêvant de changer son quotidien, craignant de s’empâter dans une vie de famille trop tranquille, il a vu dans la course proposée la chance de vivre une expérience fabuleuse et de faire le tour du monde. Mais en réalisant les difficultés financières d’une telle entreprise d’une part, puis les risques pour sa vie d’autre part, il a vite voulu renoncer… trop tard !
- Copyright Studiocanal / Dean Rogers
Coincé par des contrats signés avec des financiers et des sponsors qui attendaient un retour sur investissement, berné par des journalistes friands d’une histoire sensationnelle, cet homme naïf et terrifié n’a pas eu d’autres choix que de prendre la mer, pendant que toutes ces personnes attirées par l’appât du gain et d’un égoïsme épatant restaient bien au sec et en sécurité à terre. Le film s’attarde ainsi sur la manière dont le destin d’un homme est manipulé par autrui, dans le souci d’y trouver une récompense et sans craindre de mettre sa vie en danger si ça peut lui rapporter quelque chose.
Devenu un pantin dans les mains des médias, dont le film critique l’emballement aveugle envers une personne qui n’a encore rien fait, ce marin bien sympathique doit donc s’engager pour un tour du monde à la voile, sans aucune préparation préalable, ce qui ne peut que faire bondir les navigateurs du monde entier de leur fauteuil. Dans Le Jour de mon retour, la "préparation" avant le départ est en effet si courte qu’elle ne peut que susciter l’étonnement et l’inquiétude en jetant l’opprobre sur un entourage qui laisse faire sans réagir.
- Copyright Studiocanal GmbH / Dean Rogers
Le titre original du film, The Mercy (la délivrance), est d’ailleurs bien plus évocateur de ce que vit le personnage que le titre français. En prenant la mer, le personnage interprété avec délicatesse et retenu par Colin Firth se délivre de sa vie trop tranquille mais aussi du harcèlement subi avant le départ, au détriment de toute considération pour cet homme et sa famille. Mais comme dit Jean-Paul Belmondo dans Cent mille dollars au soleil : "Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent." Cette réplique culte de Michel Audiard se prête à merveille aux circonstances. Une fois parti, ce marin du dimanche pensait avoir enfin un peu de paix ; c’était sans compter sur l’océan. Le travail sur le son est d’ailleurs impeccable et reproduit à merveille le déchaînement de la mer. La vraie histoire peut commencer…
Rattrapé par la réalité, le personnage devra mentir pour ne pas tout perdre, entraînant tous ses créanciers avec lui ainsi que les médias, qui manipuleront alors l’opinion en évoquant ses succès imaginaires sur l’océan. Comme disent les Japonais, "Cents témoignages ne valent pas un regard"…
- Copyright Studiocanal / Dean Rogers
Drame poignant porté par un Colin Firth d’une grande sensibilité et une Rachel Weisz fragile mais déterminée, Le Jour de mon retour est avant tout un pamphlet contre la dictature du profit et de l’argent, souvent en contradiction avec la sécurité la plus élémentaire. Les médias sont également critiqués pour le traitement qu’ils font d’une information qu’ils ne vérifient pas et pour la manipulation de l’opinion que leurs articles peuvent entraîner. Tous ces ingrédients reproduisent un drame qui a fait date dans les courses maritimes, apportant au film une dimension bien plus profonde qu’il n’y parait. Ou le récit d’un mensonge qui finira par conduire un homme bon à la dérive. Et à sa perte.
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