Jeune & innocent
Le 10 septembre 2003
Pop bancale et idéaliste pour ce premier album d’un Texan aux idées larges.

- Artiste : Kweller, Ben

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A force de rock’n’roll teigneux et poseur, on avait fini par croire que les Etats-Unis étaient tombés à court de songwriters à l’ancienne, au point d’importer de la main d’œuvre d’Europe (The Thrills, Nikolai Dunger, et cetera). Enfin disponible, le premier album solo, économe et ludique, d’un jeune surdoué remet les choses au point.
Que sait-on de ce Ben Kweller, Texan sans rien de commun avec son compatriote président ? Qu’à vingt-deux ans il a déjà une carrière de dix ans derrière lui, avec le groupe Radish, à peu près inconnu chez nous. Qu’il est copain avec Evan Dando et les Moldy Peaches (dont le leader Adam Green a sorti au printemps un album solo tout autant recommandable). Bref, une crédibilité indé qui rappelle un peu Beck quand ce dernier déboula en 1994 avec Mellow Gold.
La comparaison ne s’arrête d’ailleurs pas là. Comme son aîné californien, Kweller a tout du chic type white trash, fauché, bricoleur et un peu romantique (témoin la jolie ballade folk Lizzy) qu’on trouve dans les banlieues américaines. Ou dans les films de John Waters sur les gamins des mêmes banlieues.
Si Ben Kweller s’aventure peu hors du territoire pop, il brille avec une belle économie de moyens dans tous ses genres et sous-genres : pop absurde à la Jonathan Richman (How It Should Be, ses claviers bizarres et son refrain inspiré : "Sha sha. Sha do"), rock gonflé (Make It Up entre autres), hommage à Lennon (Family Tree) ou à une Americana de carte postale, avec pedal steel, cordes et tout le tralala sur In Other Words. Le lien dans ce passage en revue magistral : un sens de la mélodie en or, et la candeur de Kweller qui lui permet de croire dur comme fer que les étoiles pop du passé sont plus importantes pour notre époque que, au hasard, Craig David ou Evanescence. Sans parler de son sens du refrain improbable ("aire l’amour lui rappelle quand elle mange des spaghettis" sur Wasted & Ready).
Pour tout cela, il faut pardonner à Ben Kweller et ses deux musiciens une propension certaine à sonner comme Weezer dès qu’ils se lâchent sur la distorsion. Un travers qui aurait été bienvenu en période de vaches maigres, mais plus maintenant que le groupe de Rivers Cuomo s’est remis à sortir des albums à un rythme acceptable. De toute façon, c’est peu dire que le petit Texan a encore du temps devant lui pour trouver sa propre voie.
Ben Kweller - Sha Sha (Ato Records/BMG)